Rencontre avec Luce Rostoll, SNP [Az'art Atelier, 2019]
Samedi 8 février 2020 à 17h
SNP
Après « l’Algérie à l’ombre de Maria », récit autobiographique d’une enfance en Algérie pendant la guerre d’indépendance, SNP*, Sans Nom Patronymique, est un roman qui se situe à la même période, et pour partie, au sein du petit hôpital communal. Relater les « Évènements » non plus avec le regard d’une enfant française mais avec celui, imaginé, d’un Algérien, d’une Algérienne, tel est le pari de cet écrit : un roman à deux voix, celles de deux laissés pour compte, deux « sans nom » qui vont se frayer un chemin dans le tumulte d’un pays déchiré.
Comment s’engager dans la lutte auprès des siens quand on est un SNP, un rejeton coupé de ses racines, sans ascendants, sans descendance, autrement dit : rien ? Telle est la question de Djilali, le jardinier en proie à ses hésitations, à sa lâcheté.
Zina, très jeune prostituée, emmurée dans un bordel minable, ne s’embarrasse pas de questions pour accéder à la liberté.
Sauvage, elle se bat, change d’identité au fil des rencontres et des lieux, de la nuit d’Oran aux terrasses d’Alger, en passant par l’obscurité d’une salle de cinéma où elle découvre le monde en noir et blanc.
*SNP, cet acronyme, accolé au prénom usuel constituait l’identité officielle attribuée à certains Algériens dont la filiation paternelle n’avait pu être établie lors de leur enregistrement à l’état civil par les fonctionnaires français.
Luce Rostoll est née en 1952 en Algérie. Fille d’exilés espagnols, Luce débute sa carrière de psychologue à Carcassonne, avant d’exercer à Toulouse. Liée aux Corbières, elle vit aujourd’hui à Ribaute.
Presse
« Vous écrivez aussi en creux sur ce déchirement historique et intime, de la perte, de l’exil ? […] J’écris le déchirement dans les séparations des êtres qui ont vécu ensemble… Quitter ceux que l’on aime, devoir se séparer à jamais, c’est cela la perte. Ce que l’on a dans son cœur, ce n’est pas un pays c’est un monde qui ne sera plus, celui de l’enfance notamment.
Votre livre s’ouvre finalement sur une espérance, un prénom retrouvé, dans l’effervescence (déçue) de l’indépendance. Le Hirak qui secoue aujourd’hui l’Algérie peut-il enfin tout changer ? »
Oui, le livre s’ouvre sur une espérance. Je n’ai pas réfléchi à cette fin, elle s’est imposée. Je me suis interrogée. Est-ce que je pouvais finir sur l’ivresse de la fête d’indépendance, alors que nous savons aujourd’hui la confiscation de cette libération. Mais pour Zina, pour son identité retrouvée, j’ai décidé de rester sur la joie mêlée d’inquiétude qu’elle éprouve ce jour-là. Le Hirak est un mouvement puissant, d’une intelligence et d’un courage qui forcent le respect. Mais s’agissant de l’Algérie, je ne peux m’empêcher de ressentir la peur d’un retournement brutal. Bien avant le soulèvement actuel, le jeune cinéma algérien m’avait donné un grand espoir dans la capacité de résistance et d’inventivité de la population de ce pays, de sa jeunesse. »
La Dépêche, Gilles-R. Souillés, 24 décembre 2019