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En cette période qui donne à penser, la Maison du Banquet propose chaque jour une conférence, un texte, une vidéo.

Mercredi 13 et jeudi 14 mai 2020

Le linguiste Jean-Claude Milner était l’invité de la série de webminaires « Penser le Coronavirus » de la revue La Règle du jeu. Conversation avec Alexis Lacroix sur la mondialisation, l’écologie, la popularité de Macron post-crise et l’antisémitisme en temps de Covid-19.

« […] Le virus n’est pas un ennemi avec lequel on pourrait, le cas échéant, passer des accords, faire des concessions. Ici, on a affaire à la nature. Qui plus est, après quelques années où la nature a été presque sanctifiée, présentée à la fois comme salvatrice et comme une sorte de victime que les hommes tourmentaient, elle apparaît plutôt comme une puissance inquiétante et indomptable.

C’est une figure de Némésis de la nature.
Sauf que Némésis est animée d’intentions. Non, ce qui se présente aujourd’hui, c’est une figure de l’opacité absolue, qui tranche brutalement avec celle de la période, qui n’est d’ailleurs pas terminée, où l’on a présenté la nature comme transparente à elle-même. […]

Parmi les choses qu’on entend ces temps-ci, certains suggèrent qu’il y aurait un lien entre la diffusion ultrarapide de cette pandémie qui nous occupe, le COVID-19, et le processus d’électrification de la Terre, qui se poursuit, qui s’intensifie avec le nouveau maillage numérique qui va enserrer la Terre, notamment la 5G, etc. Pensez-vous que ce sont des hypothèses totalement tirées par les cheveux, ou bien qu’il faut – avec toutes les réserves qui bien sûr s’imposent – que les scientifiques les prennent en considération ?
Je reviens à ce qui me paraît être le minimal, c’est-à-dire la circulation des personnes et plus généralement des êtres vivants. Les agents de la pandémie, ou plus exactement les supports de la pandémie, ce ne sont pas des pierres, ce ne sont pas des matières inertes ; ce sont des êtres vivants. L’ombre portée de la vie, c’est la maladie et la mort. Comme le disait Edgard Pisani dans les années 1970 : « Un jour viendra où, quelle que soit la distance qui sépare deux points de la planète, on trouvera le moyen de parcourir cette distance en un quart d’heure. » Nous en sommes à peu près à ce stade-là ; les moyens techniques permettent de couvrir des distances planétaires dans un espace de temps extrêmement réduit ; les êtres vivants, qu’il s’agisse des êtres humains ou des animaux, peuvent être transportés à une vitesse sans cesse croissante ; toutes les formes de la vie vont se répandre à cette vitesse-là et parmi ces formes, il faut inclure les pathologies. Comme je le disais, ce qui est ici en question, ce n’est pas la forme économique qu’on appelle mondialisation, mais la circulation des biens et des personnes. […] Cette règle d’avant l’épidémie tenait en deux parties : d’une part, la circulation très rapide des biens et des personnes est devenue techniquement possible et ne cessera pas de s’accélérer ; d’autre part, même ceux qui condamnent verbalement ce processus, agissent dans les faits comme s’il ne devait jamais prendre fin. Ce qui veut dire que leur condamnation verbale n’est autre que verbale et qu’objectivement, ils adhèrent au processus. L’épidémie va-t-elle changer la règle en l’une de ses deux parties ou sur les deux ? J’en doute.[…] »
Retrouvez la suite de la conversation en un clic ici ou sur Lire, le bouton jaune (d’or).

Jean-Claude Milner est philosophe. Normalien agrégé de philosophie, il est influencé dans sa jeunesse par le maoïsme. Il devient professeur de linguistique. Directeur du collège international de philosophie de 1999 à 2001, il dirige de 1999 à 2004 la collection « Philia » chez Verdier, qu’il a fondée. Il a également participé aux travaux de l’École freudienne de Paris.
Jean Claude Milner a publié récemment Profils perdus de Stéphane Mallarmé. Court traité de lecture 2, aux éditions Verdier.


©Yann Revol

©Idriss Bigou-Gilles
©Idriss Bigou-Gilles
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