LA SÉLECTION D’AVRIL 2021
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Hubert Antoine, Les Formes d’un soupir, Éditions de L’Olivier, mars 2021, 272 p., 19.50 €
Grâce à une expérience hallucinogène, un libre-penseur mexicain parvient à entendre de nouveau la voix de sa fille, Melitza, assassinée pendant l’insurrection d’Oaxaca, deux ans auparavant.
Elle lui relate ses derniers instants auprès d’Evo, un chaman huichol qui va lui offrir, à travers un étourdissant rituel d’oubli, la plus romantique des métamorphoses.
Road movie au pays de Quetzalcóatl, le deuxième roman d’Hubert Antoine défonce les portes du deuil, supprime les frontières entre morts et vivants pour révéler un Mexique toujours aussi captivant dans les plus ardentes couleurs de l’intensité.
Pierre Bergounioux, Carnets de notes 2016-2020, Verdier, avril 2021, 944 p., 35.50 €
Entamés au seuil de la trentaine, les Carnets couvrent quarante années d’une sorte de vie.
Avec le cinquième, on se retrouve, on ne sait trop comment, septuagénaire, à peu près quitte des soins qui ont rempli l’intervalle, excepté celui, cher à Montaigne, d’apprendre à mourir.
Tiphaine Samoyault, En attendant Nadeau, à propos du précédent carnet de notes, avril 2016
Jean-Luc Raharimanana, Tisser, Mémoire d’encrier, avril 2021, 96 p., 14 €
Tisser, c’est se connaître comme fibre, et accepter de se lier à d’autres pour une existence plus vaste. Tisser les mémoires. Tisser les vies. Tisser l’utopie.
Récit de l’auteur malgache Raharimanana qui entremêle légendes, mythes fondateurs et réalités contemporaines. Soucieux de restituer la mémoire trop souvent trahie par les récits, l’auteur revisite les luttes de libération, les formes de résistance et d’utopie. Il met en place une cosmogonie où tout se tisse dans une diversité de voix, de perspectives poétiques et politiques, rassemblant des formes singulières d’écriture et de transmission de la parole.
Un enfant mort-né raconte la genèse du monde. Il fait appel aux mythes pour dire les dérives totalitaires et la quête de liberté. Fable contemporaine qui rétablit la relation entre les temps, passé et présent, les ancêtres et le monde contemporain, l’Esprit et le réel, le récit se donne à lire comme fibres à tisser l’humanité.
Marie Cosnay, Comètes et perdrix, Éditions de L’Ogre, mars 2021, 184 p., 19 €
Je suis écrivaine …
« Je suis écrivaine, (…) j’ai écrit un texte, mi-documentaire mi-fiction, qui prend comme point de départ votre kidnapping par les prêtres basques, et qui a l’ambition d’évoquer toute une période (de 1936 à 1953) à cet endroit de frontière. Je ne donne aucun élément nouveau, je n’innove pas (…). Le livre prend clairement parti et dénonce l’aveuglement de l’Église et de certains de ses prêtres, sans être polémique. Je dirais qu’il se veut historique. »
C’est avec ces mots que Marie Cosnay adressait les épreuves de Comètes et Perdrix à Robert Finaly alors que nous avions retrouvé sa trace en Israël où il exerce encore une activité de pédiatre. Et ces quelques mots résument parfaitement le projet de Marie Cosnay : s’approcher de la vérité au moyen de la fiction et du récit. Car cette histoire singulière des enfants Finaly en convoque d’autres, celles de la frontière, le rocher des Perdrix, et celles de ceux qui la traversent, ainsi que celles de toute une constellation de personnages dont les décisions et les convictions ont conduit à cet enlèvement.
En explorant cette affaire par le biais des récits multiples qui y sont liés, Marie fait de cette matière historique une enquête et un passionnant roman d’espionnage.
(…) C’est un fait divers devenu affaire d’État, qui révèle un autre antisémitisme, celui qui voudrait protéger des enfants juifs de leur propre religion, et qui pose la question intemporelle de l’accueil. Que fait-on quand on accueille ? Que protège-on quand on cache deux enfants juifs en 1953 ?
Jean-Michel Mariou, Poison d’or, Editions Verdier, avril 2021, 192 p., 15,50 €
Pendant plus de cent ans, dans la vallée de l’Orbiel, au nord de Carcassonne, les hommes ont extrait l’or des entrailles de la terre. Et le poison qui va avec : l’arsenic, que l’eau et la terre fixèrent en d’infinies quantités.
Les familles que nous suivons ici, entre l’écho des grandes guerres et les luttes ouvrières, la Résistance et l’abandon, rassemblent les vaincus d’une histoire qui les a dépassés. Mais voilà qu’un crime vient rappeler à tous que la peine des hommes est immense pour le mal qu’ils se font à eux-mêmes.
Entre fragments de vies et d’archives, Jean-Michel Mariou, journaliste et auteur de divers ouvrages et documentaires sur la tauromachie, signe là un roman sensible d’investigation sur la transmission, la fidélité aux hommes et l’attachement à une terre.
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
Reinhard Kaiser-Mühlecker, Lilas rouge, traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay, Verdier, mars 2021, 704 p., 30.50 €
Un soir à la nuit tombante, au début des années 1940, un père et sa fille arrivent dans un village de Haute-Autriche sur une carriole tirée par un cheval, avec leurs malles et leurs meubles, et s’installent dans une ferme abandonnée qui leur a été attribuée. La jeune fille traumatisée serre dans son poing un bouquet de lilas rouge.
Ferdinand Goldberger, chef de section du parti nazi, a dû fuir son village d’origine, mais ses crimes pèseront sur sa descendance. Au moment où la lignée semble devoir s’éteindre, puisque aucun des petits-enfants du patriarche n’a eu d’enfant à son tour, voici que surgit un ultime héritier, né à l’insu de tous, éduqué au loin. Comme son grand-père et son arrière-grand-père, il s’appelle Ferdinand…
Avec ce roman, Reinhard Kaiser-Mühlecker raconte dans une langue somptueuse le destin de l’Autriche rurale aux prises avec l’héritage du nazisme. La littérature de langue allemande n’avait pas produit depuis longtemps une fresque narrative d’une telle ampleur, comparables aux plus grands classiques européens. Riche en personnages inoubliables, Lilas rougea été salué par la critique allemande comme une révélation.
« Jeune prodige de la littérature autrichienne, Reinhard Kaiser-Mühlecker évoque le souffle puissant d’un Adalbert Stifter. Il renoue avec la grande tradition romanesque du dix-neuvième siècle pour évoquer les fractures irréparables du vingtième dont il est l’héritier. » Die Welt
Inoue Areno, L’ode au chou sauté, traduit du japonais par Patrick Honnoré, Picquier, avril 2021, 240 p., 20 €
Dans la banlieue de Tokyo, Kôko, Matsuko et Ikuko tiennent une petite cantine de quartier. La cuisine y est familiale ; et bien que joyeuses et pleines d’énergie, elles n’ont, pour les clients qui poussent la porte, rien d’extraordinaire. Ce sont des femmes qui prennent de l’âge, des femmes invisibles.
Mais il suffit de goûter les beignets de palourdes, les croquettes de tôfu aux bulbes de lis ou les bourgeons de pétasites au miso qu’elles cuisinent pour qu’opère une étrange alchimie. Quelle chance d’aimer manger ! Quelle chance d’être vivante !
La cuisine de La Maison de Coco devient alors le lieu du bonheur retrouvé et de la réconciliation. Avec les amours passés, les choses cachées derrière les choses mais surtout avec soi. Car on ne finit jamais d’être femme et de savourer la vie.
http://bruitcotecuisine.canalblog.com/archives/2021/03/15/38845089.html
Fabio Andina, Jours à Leontica, traduit de l’italien par Anita Rochedy, Zoé, avril 2021, 256 p., 21 €
Chaque matin, à une heure où le coq dort encore, le Felice quitte le village et part vers les sommets qui dominent le Val Blenio, personne ne sait vraiment où.
Jusqu’au jour où le narrateur, arrivé de la ville, décide de lui emboîter le pas.
Voici le récit de ses journées passées en compagnie du vieil homme et des habitants du village, au contact d’une existence marquée par les mêmes habitudes immuables, les gestes simples et beaux de ceux qui ont construit une relation privilégiée avec la nature.
L’écriture de Fabio Andina, aussi sobre que sensible, instille dans Jours à Leontica le rythme lent et serein d’une existence passée au cœur de la montagne.
https://fabioandina.com/libri-di-fabio-andina/
David Vann, Komodo, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laura Derajinski, Gallmeister, 304 p., 22.80 €
Sur l’invitation de son frère aîné Roy, Tracy quitte la Californie et rejoint l’île de Komodo, en Indonésie. Pour elle, délaissée par son mari et épuisée par leurs jeunes jumeaux, ce voyage exotique laisse espérer des vacances paradisiaques : une semaine de plongée en compagnie de requins et de raies manta. C’est aussi l’occasion de renouer avec Roy, qui mène une vie chaotique depuis son divorce et s’est éloigné de sa famille. Mais, très vite, la tension monte et Tracy perd pied, submergée par une vague de souvenirs, de rancoeurs et de reproches.
Dès lors, un duel s’engage entre eux, et chaque nouvelle immersion dans un monde sous-marin fascinant entraîne une descente de plus en plus violente à l’intérieur d’elle-même, jusqu’à atteindre un point de non-retour.
Avec ce portrait trouble d’une femme en apnée, David Vann confirme son immense talent pour sonder les abysses de l’âme humaine.
« Plonger dans le nouveau roman de David Vann n’est pas une métaphore, mais une expérience d’immersion dans un monde sous-marin fascinant. Le premier tour de force de cette nouvelle histoire de famille malade est de vous procurer des sensations physiques. »
Livres Hebdo, mars 2021
POÉSIE
Louise Glück, Nuit de foi et de vertu, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Romain Benini, Gallimard, mars 2021, 160 p., 17 €. Édition bilingue
Depuis la parution de son premier recueil en 1968, Louise Glück n’a eu de cesse de réinventer son art, tout en créant une voix immédiatement reconnaissable, par son mélange de retenue et d’affirmation, son lyrisme visant l’universalité.
Dans Nuit de foi et de vertu, paru aux États-Unis en 2014 et récompensé par le National Book Award for Poetry, Louise Glück utilise, en apparence du moins, les ressources de la narration, subtilement détournées au profit de sa poésie, pour explorer le mystère du commencement et de la fin d’une histoire, qui peuvent être aussi ceux d’une vie.
Ce sont des fragments de récit, mêlant impressions fugaces et détails, qui se répètent et se font écho. Le je qui raconte un souvenir surgi de son passé peut être celui d’une femme dans un poème, puis d’un homme dans le suivant.
D’ailleurs s’agit-il d’un moment vécu ou d’un rêve ? Car la forme d’épopée intime propre au rêve, dont les libres associations viennent sans cesse dévier la trajectoire, semble se confondre avec celle du poème.
Dans une écriture d’une grande musicalité, dont la beauté vient en partie de l’extrême simplicité, d’amples visions poétiques se déploient, portées par des voix toujours au bord de la confession. Dans cette partition magistrale, Louise Glück parvient une fois de plus à restituer à l’expérience humaine toute son énigme.
Maggie Nelson, Jane, un meurtre, Une partie rouge, traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy et Julia Deck, Éditions du Sous-sol, mars 2021, 448 p., 23 €
Avec l’audace qui la caractérise, Maggie Nelson raconte l’histoire d’un fantôme familial, Jane, sa tante, morte assassinée en 1969, alors étudiante en droit à l’université du Michigan.
À travers une série de collages de poèmes, sources documentaires, fragments du journal intime de sa tante, brèves dans des journaux et enquête sur les traces de la disparue, Maggie Nelson explore la nature de ce fait divers, le dernier en date d’une macabre série d’assassinats perpétrés dans la région. Dans cette grande œuvre écrite sous forme de long poème, l’autrice éclaire l’ombre portée sur son passé, et interroge ces fantômes qui peuplent nos vies et que l’on tait.
Elle crée une forme hybride et poétique qui impose une réalité brutale au silence pesant, la juge, la confronte et la fait plier par l’écriture.
L’ouvrage présent réunit deux livres de Maggie Nelson dans un volume tête-bêche. Jane, un meurtre, enquête poétique sur la disparue. Une partie rouge, au verso, démarre à l’instant où la police annonce l’arrestation d’un suspect et la tenue d’un procès.
Cet ensemble que l’on pourrait nommer “Le livre de Jane” est un document littéraire unique sur un féminicide et sur la violence à l’œuvre dans nos sociétés.
https://toutelaculture.com/livres/essais/jane-un-meutre-maggie-nelson/
ESSAI
Annie Le Brun, Juri Armanda, Ceci tuera cela, Image, regard et capital, Stock, mars 2021, 306 p., 20 €
On ne compte plus les critiques de l’ère numérique. Mais elles ont en commun de ne pas voir la nouveauté d’un monde où, pour la première fois, le capital et la technologie se confondent absolument, obéissant à la même croissance exponentielle, avec la même visée de tout réduire à un objet de calcul.
En une dizaine d’années, la distribution s’est imposée au cœur d’une nouvelle économie du regard, où il n’est aucune image qui ne soit en même temps objet de profit et moyen de contrôle.
Il en résulte une complète reconfiguration de notre perception. N’existe plus que ce qui est rendu visible par la technologie. Rien n’échappe à cette dictature de la visibilité, qui nous empêche de voir à quelle modélisation nos vies sont continuellement soumises, en fonction d’algorithmes envahissant tous les domaines, scientifique, politique, esthétique, éthique, érotique… Persuadés d’être de plus en plus libres, nous nous sommes bâtis la plus inquiétante prison d’images.
Comme d’autres ont autrefois réussi à sortir du labyrinthe qui les retenait en en reconstituant les plans, notre seule chance est d’essayer de comprendre quelle sombre histoire se trame entre image, regard et capital. En dépend le peu de liberté qui nous reste.
« Depuis 1936, il était entendu, avec Walter Benjamin, que la reproduction mécanique (par la photographie) de l’œuvre d’art privait celle-là de ce qui la rend unique à nos yeux (L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Payot, 2013). C’est une révolution de plus grande ampleur encore, affectant notre existence dans sa totalité, qui résulte selon Annie Le Brun et Juri Armanda de l’abolition par nos smartphones de tout intermédiaire, la production de l’image se confondant entièrement avec sa diffusion, potentiellement illimitée. L’enjeu ne tient plus à la reproductibilité, mais au nombre de fois où une image est vue, en toute indifférence à l’égard de son contenu – le succès suffit à justifier que nous cliquions à notre tour. »
Le Monde, 13 mars 2021
POLARS – LIVRES DE POCHE
Benoît Vitkine, Donbass, Le Livre de Poche, mars 2020, 320 p., 7.70 €
Hiver 2018. Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s’est installée depuis quatre ans. Plus grand monde ne se rappelle comment tout a commencé. L’héroïsme et les beaux principes ont depuis longtemps cédé la place à une certaine routine. Mais quand un enfant est assassiné sauvagement, même le colonel Henrik Kavadze, l’impassible chef de la police locale, perd son flegme.
Benoît Vitkine, lauréat du prix Albert-Londres 2019, aborde un angle mort de la géopolitique mondiale : le déchirement d’une région entre la Russie et l’Ukraine, volontairement ignoré et toujours d’actualité.
« Un passionnant polar, au suspense habilement entretenu, et une plongée inédite, formidablement documentée, au cœur d’un conflit fratricide. »
Le Figaro Magazine.
PRIX SENGHOR 2020 DU PREMIER ROMAN FRANCOPONE ET FRANCOPHILE.
SCIENCE-FICTION – LIVRE DE POCHE
Alain Damasio, Scarlett & Novak, Rageot, mars 2021, 4.90 €
Novak court. Il est poursuivi et fuit pour sauver sa peau. Heureusement, il a Scarlett avec lui. Scarlett, l’intelligence artificielle de son brightphone. Celle qui connaît toute sa vie, tous ses secrets, qui le guide dans la ville, collecte chaque donnée, chaque information qui le concerne.Celle qui répond autant à ses demandes qu’aux battements de son cœur. Scarlett seule peut le mettre en sécurité.
A moins que… Et si c’était elle, précisément, que pourchassaient ses deux assaillants ?
https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-01-mars-2021
Marcel Théroux, Au nord du monde, traduit de l’anglais par Stéphane Roques, Zulma, avril 2021, 400 p., 20 €
Roman d’aventures ou dystopie, voici LE western du Grand Nord. Un roman déjà culte.
Steppes et taïga en lieu et place des plaines du Far West. Une ville fantôme balayée par les vents, dernier vestige de la vie de ces pionniers de Sibérie avant qu’un cataclysme emporte tout. Ou presque.
Le temps s’est arrêté pour Makepeace. En cavalier solitaire, sans âme qui vive sur qui veiller, elle débarrasse les armes et sauve les livres des décombres. Jusqu’à ce que Ping émerge de la taïga, trahissant une peur sans nom dans une langue inconnue, et qu’un avion les survole, en direction du nord. L’espoir chevillé au corps, Makepeace prend la route. Car on n’est jamais vraiment sûr d’être le dernier.
« Comme dans La Route, de Cormac McCarthy, l’essentiel est de survivre un jour de plus, mais ce roman suggère aussi une lueur d’espoir et ne cesse de surprendre grâce à une intrigue forte et un soupçon d’illusion. »
Télérama
LIVRES DE POCHE
Youssef Ishaghpour, Kiarostami, Verdier, avril 2021, 320 p., 10 €
Dans sa première rencontre avec le cinéma de Kiarostami, le public européen découvrait un Iran profond : une vision contemplative, donc à distance, célébrant l’enfance et les villages, la vie dans un présent intemporel, comme intouchée par l’existence moderne.
Complexe dans cette apparente simplicité, l’œuvre d’Abbas Kiarostami connaîtra une transformation radicale. Il n’est plus alors un réalisateur « iranien », mais un cinéaste et photographe international. Animé par l’intranquillité qui l’engage à prendre la route, il semble être partout chez lui, avec le même détachement esthétique, sa sérénité, sa disponibilité, son ouverture.
Ce livre reprend et rassemble les deux ouvrages de l’auteur sur l’œuvre de Kiarostami publiés en 2001 et 2012. Il comprend un dialogue avec le réalisateur et photographe.
Abdelaziz Baraka Sakin, Le messie du Darfour, traduit de l’arabe (Soudan) par Xavier Luffin, Zulma, mars 2021, 176 p., 7.95 €
« C’était la seule à Nyala et sans doute même dans tout le Soudan à s’appeler Abderahman. » Avec son prénom d’homme et sa cicatrice à la joue, terrible signe de beauté, Abderahman est la fille de fortune de tante Kharifiyya, sans enfant et le cœur grand, qui l’a recueillie en lui demandant de ne plus jamais parler de la guerre. De la guerre, pourtant, Abderahman sait tout, absolument tout.
C’est un jour de marché qu’elle rencontre Shikiri, enrôlé de force dans l’armée avec son ami Ibrahim. Ni une, ni deux, Abderahman en fait joyeusement son mari. Et lui demande de l’aider à se venger des terribles milices janjawids en en tuant au moins dix.
Formidable épopée d’une amazone de circonstance dans un monde en plein chaos, le Messie du Darfour est une histoire d’aventure et de guerre, une histoire d’amitié et de vengeance qui donne la part belle à l’humour et à la magie du roman.
Dante Alighieri, La Divine Comédie, traduit, préfacé et annoté par Danièle Robert, Actes Sud, mars 2021, 928 p., 13.50 €
Traduction neuve de La Divine Comédie entreprise par Danièle Robert, qui prend enfin en compte, dans notre langue, l’intégralité de la structure élaborée par Dante. Animée d’un souffle constant, ne se départant jamais, dans sa fidélité même, de la valeur poétique, cette traduction permet d’aller plus avant dans la découverte de la beauté inventive, de la puissance, de la modernité de ce chef-d’œuvre universel.
Ella Maillart, La Vagabonde des mers, Payot, mars 2021, 384 p., 9.20 €
Ella Maillart avait la passion de la voile. Elle fut d’ailleurs la seule femme – et la plus jeune compétitrice – à barrer un monotype pour la Suisse aux jeux Olympiques de Paris en 1924. Elle raconte ici ses premières envies de liberté sur les mers, du lac Leman à la Bretagne, de la traversée de l’Atlantique à l’Angleterre, sans autre but que la vie sur l’eau et la sensation du vent.
Peu après, répondant à l’appel d’autres immensités, Ella Maillart débutera ses fameux périples à travers la Russie des Soviets, puis l’Asie centrale…
https://lplibrairiemulhouse.wordpress.com/2020/04/13/la-vagabonde-des-mers-della-maillart/
Tommy Orange, Ici n’est plus ici, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Stéphane Roques, Le Livre de Poche, mars 2021, 352 p., 7.90 €
« Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. »
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse.
Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier.
Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, traduit dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n’est plus ici a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.
« There There,le titre original, fait référence au quartier populaire d’Oakland où le romancier a grandi et où évoluent ses personnages. Il l’emprunte à Gertrude Stein, qui avait elle aussi vécu sa jeunesse dans ce faubourg de San Francisco, peu peuplé à son époque. Passant par là au soir de sa vie, elle fut prise de vertige : « Ici n’est plus ici. » (« There is no there there. ») Trou noir mémoriel, vertigineux mais fugace, d’une voyageuse en transit. Tommy Orange, lui, se saisit de ces deux mots pour définir le mal-être transgénérationnel qui colle à la peau des siens, descendants des premiers habitants des Amériques, broyés, acculturés, déplacés, hantés par la perte d’une terre « enfouie sous le verre, le béton, le fer et l’acier ». »
Le Monde, septembre 2019
BEAU LIVRE
Collectif, Le grand mezzé, Actes Sud, avril 2021, 32 €
“5 fruits et légumes par jour”… “La cuisine à l’huile d’olive…”
Qu’appelle-t-on diète méditerranéenne ? Sait-on que derrière son succès se trouve un médecin américain des années 1950 ?
Mais que les médecins de l’Antiquité avaient depuis longtemps fait le lien entre santé et alimentation ? A l’heure où les consommateurs sont de plus en plus soucieux de ce qu’ils mettent dans leur assiette, comment répondre au paradoxe d’un territoire complexe, le bassin méditerranéen, avec une nécessité de production en masse ?
L’ouvrage questionne les enjeux historiques, culturels, économiques, écologiques et religieux de l’alimentation en Méditerranée, tout en retraçant l’histoire de ce carrefour éternel d’échanges et d’influences.
Cet ouvrage accompagne une exposition semi-permanente au Mucem de décembre 2020 à fin 2023.
https://www.enrevenantdelexpo.com/2020/12/07/le-grand-mezze-au-mucem/
BANDES DESSINÉES
Benjamin Adam, Uos, 2024, avril 2021, 32 p., 19.50 €
Dans un monde dévasté, un homme hirsute en tenue d’astronaute veille consciencieusement sur le site dont il a la charge, une centrale en ruine soumise à des règles strictes en raison de sa dangerosité.
Les procédures se muent en rituels, le silence et les ombres donnent peu à peu une âme au lieu et le gardien esseulé fait de ce sanctuaire nucléaire un temple accueillant les esprits des aïeux.
Aude Mermilliod, Le Chœur des femmes, Le Lombard, avril 2021, 240 p., 22.50 €
Jean, major de promo et interne à l’hôpital, doit faire un stage en soins gynécologiques aux côtés du docteur Karma. Mais elle veut faire de la chirurgie, et non écouter des femmes parler d’elles-mêmes et de leur corps ! Elle se désespère de passer son temps auprès de ce médecin qui privilégie l’écoute à la technique. Contraception, maternité, violences conjugales, avortements… de consultations en témoignages, Jean pourrait bien pourtant changer sa vision de la médecine.
Une adaptation sensible et puissante du roman culte de Martin Winckler.
Coco, Dessiner encore, Les Arènes, mars 2021, 352 p., 28 €
L’attentat du 7 janvier 2015 tourne en boucle dans ma tête.
Tout fout le camp en moi mais le dessin résiste…
Le récit graphique bouleversant d’un voyage intérieur, pudique et authentique.
JEUNESSE
Francis Hallé, Rozenn Torquebiau, L’étonnante vie des plantes, Actes Sud, mars 2021, 72 p., 19 €. Dès 10 ans
Francis Hallé et Rozenn Torquebiau veulent transmettre leur passion pour les plantes aux plus jeunes à travers ce livre dont Francis a réalisé les dessins, à la fois précis, scientifiques et délicats.
Les plantes sont bien des êtres vivants, mais comment font-elles pour vivre ? Comment naissent-elles sans parents, se nourrissent-elles sans avoir de bouche, grandissent-elles sans squelette, dorment-elles, se protègent-elles, perçoivent-elles le monde (et même ce qui nous échappe), comment émettent-elles ou reçoivent-elles des messages, comment collaborent-elles avec les espèces animales ?
C’est tout l’immense et mystérieux univers du végétal qui s’offre à la lecture, qui nous permet de mieux comprendre à quel point les plantes sont indispensables à notre survie. Un livre qui passionnera aussi les plus grands !
Perceval Barrier, Thomas Bretonneau, Trois ou quatre histoires de mousquetaires, L’École des Loisirs, avril 2021, 12.70 €. 6 à 8 ans
Dans ce livre vous trouverez : des épées, des plumes, des bijoux, des missives, des calèches, un roi, une reine, un cardinal, du danger, des complots, de la chance, de la bravoure et du panache, de la loyauté, de l’humour et des moustaches… Bref, des mousquetaires, et même leur école !
Vous noterez que ces trois histoires sont quatre, ce qui n’est pas le moindre hommage de ce recueil au brio d’Alexandre Dumas.
Dante Alighieri, La Divine Comédie (abrégée), traduit de l’italien par A.-F. Artaud de Montor, abrégé par Yves Stalloni,L’École des Loisirs, 5.50 €. 13 ans et +
Comme tous les chefs-d’oeuvre de la littérature, La Divine comédie est un livre que l’on cite souvent, mais que l’on croit pouvoir se dispenser de lire. Ce qui est infiniment regrettable. Car ce poème de sept cents ans, ce long poème de plus de quatorze mille vers, écrit en italien populaire, est tout à la fois un chant d’amour, une méditation spirituelle, un récit de voyage fantastique et une exploration de l’au-delà qui prend des allures allégoriques de plongée dans des mondes surnaturels. Le rêve devient cauchemar quand apparaissent des animaux fabuleux, des géants, des fées ou des monstres…
La Divine Comédie appartient désormais au patrimoine universel. Le monument qu’est devenue l’œuvre est si imposant qu’on hésite à y pénétrer. Il n’est pas inutile alors d’entrouvrir une porte modeste, celle d’une édition abrégée. C’est par ce moyen qu’on peut rendre familier un « classique » dont on verra qu’il a toujours quelque chose à nous dire.
« Dante peuplait l’Enfer de ses haines et le Paradis de ses amours », écrit Alexandre Dumas. « La Divine Comédie est l’œuvre de la vengeance. Dante tailla sa plume avec son épée. »