LA SÉLECTION DE NOVEMBRE 2021
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Vincent Borel, Vertige de l’hélice, Sabine Wespieser éditeur, octobre 2021, 224 p., 19 €
Un soir de décembre 1889, sur les quais de Cadix, la silhouette d’un petit homme entre deux âges, coiffé d’un feutre fatigué, attire les regards. Charles Sanois se prétend négociant en vin, il a fui Paris, le deuil de sa mère et l’épidémie de grippe asiatique se propageant dans le monde entier. Il s’apprête à embarquer, rêvant d’azur et de paix.
Pendant ce temps, la panique gagne à l’Opéra de Paris : le compositeur d’Ascanio, le célébrissime Camille Saint-Saëns, a disparu. On est à quelques semaines de la première et les répétitions virent au cauchemar.
Sur la Grande Canarie, Sanois – alias Saint-Saëns – panse ses blessures : la mort de sa mère adorée a ravivé le chagrin d’autres pertes, notamment le suicide de son mentor et très cher ami Albert Libon. Ici, le musicien au faîte de sa gloire, dont l’absence suscite dans son pays les rumeurs les plus folles, savoure les joies simples d’une vie anonyme.
Il en résulte, sous la plume allègre et inspirée de Vincent Borel, un somptueux portrait de l’artiste renaissant à lui-même sous l’intense lumière de l’Atlantique.
« Dans cet infiniment gracieux Vertige de l’hélice, Vincent Borel confirme, qu’après ses ouvrages sur Wagner ou Lully, il est bien notre écrivain contemporain de la musique. Musique justement, c’est le mot d’ordre de son style comme une obligation morale qui aurait l’élégance de ne pas se laisser deviner. C’est tout simple, cela s’appelle l’art. »
Livres Hebdo, octobre 2021
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
Paul Auster, Burning Boy, Vie et œuvre de Stephen Crane,traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, octobre 2021, 1008 p., 28 €
“Il n’était personne, il devint quelqu’un. Adoré par beaucoup, méprisé par beaucoup, et puis il disparut. On l’oublia. On se souvint de lui. On l’oublia de nouveau. On se souvint de lui de nouveau et aujourd’hui, au moment où j’écris les dernières phrases de ce livre, aux premiers jours de l’année 2020, ses œuvres sont de nouveau oubliées. C’est une période sombre pour l’Amérique, une période sombre dans le monde, et avec tout ce qui arrive, érodant nos certitudes quant à qui nous sommes et où nous allons, le moment est peut-être venu de sortir ce Burning Boy de sa tombe et de recommencer à se souvenir du jeune homme incandescent. Sa prose reste crépitante, son regard tranchant, son œuvre poignante. Est-ce que tout cela nous importe encore ? Si tel est le cas, et on ne peut que l’espérer, il faut y prêter attention.” Paul Auster
« Dans Burning Boy, la courte vie de Stephen Crane est racontée dans les moindres détails, et son œuvre analysée par un amoureux des mots. Il rend ainsi hommage à une figure précoce et brûlante de la littérature. Une découverte. »
Lire /Le Magazine littéraire
Léonid Andreïev, Faits divers, quatre récits traduits du russepar Sophie Bénech, éditions Interférences, octobre 2021, 112 p., 15 €
Léonid Andreïev (1871-1919, écrivain et dramaturge, a connu un grand succès au début du XXe siècle. Anti-tsariste, puis anti-bolchevik, il a dépeint de façon à la fois concrète et poétique toutes les couches sociales des années prérévolutionnaires. Ce recueil de quatre nouvelles tirées des récits complets publiés aux éditions Corti de 1998 à 2001 met l’accent sur une facette bien particulière de son talent. S’il est plutôt connu en tant qu’auteur de nouvelles poignantes sur la guerre, la folie, le mal ou l’attente de la mort, il sait également camper des scènes apparemment anodines et néanmoins révélatrices des petits travers humains. Son expérience de chroniqueur judiciaire lui a appris à observer le monde qui l’entoure et à transformer des petits rien de la vie quotidienne en mini-drames qui donnent à réfléchir.
Portrait de Léonid Andreïev sur le blog Des livres rances
LIVRES DE POCHE
Didier Fassin, La Vie, mode d’emploi critique, suivi de Ce que la pandémie fait à la vie, Points, octobre 2021, 224 p., 7.80 €
Comment concevoir la vie dans sa double dimension du vivant et du vécu, de la matière et de l’expérience ? Didier Fassin s’emploie ici à penser ensemble et à réconcilier le biologique et le biographique, en mobilisant trois concepts : les formes de vie, les éthiques de la vie et les politiques de la vie.
Dans la condition des réfugiés et des demandeurs d’asile, à travers le geste humanitaire et le sacrifice pour une cause, à la lumière des statistiques de mortalité et des modalités de calcul des indemnités de décès, à l’épreuve, enfin, d’une enquête généalogique et ethnographique, l’économie morale de la vie révèle de troublantes tensions dans la manière dont les sociétés contemporaines traitent les êtres humains, donnant à voir l’inégalité des vies.
La petite chronique de philosophie sur France Inter
Marc-André Selosse, Jamais seul,Ces microbes qui construisent les plantes, les animaux et les civilisations, Actes Sud, octobre 2021, 368 p., 8.80 €
Nous découvrons aujourd’hui que les microbes ne sont pas seulement associés aux maladies ou à la décomposition : la santé et la survie de tous les organismes vivants, végétaux ou animaux, en dépend intimement.
Au fil d’un récit foisonnant et souvent surprenant, Marc-André Selosse nous conte cette véritable révolution scientifique. Détaillant d’abord les nombreuses symbioses qui associent microbes et organismes vivants en d’extraordinaires adaptations, il décrit ensuite nos propres compagnons microbiens – le microbiote humain – et leurs contributions à nos existences. Il démontre aussi l’importance des microbes dans les pratiques culturelles et alimentaires qui ont forgé les civilisations et continuent de nous accompagner.
À l’issue de ce périple destiné à tous, accompagné d’une pointe d’humour, le lecteur émerveillé ouvrira les yeux sur un monde nouveau : ce qu’il ne voyait pas et qui pourtant l’entoure à chaque instant.
« Cela arrive assez rarement, un livre qui vous fait radicalement changer votre vision du monde. Un livre qui remet en cause ce qui paraissait évident, des choses qu’on tenait pour certaines depuis l’enfance. Le livre Jamais seul de Marc-André Sélosse est de cette trempe. »
Hugues Belin, L’Écho
Bernard Stiegler, Bifurquer, « Il n’y a pas d’alternatives », Éditions Les Liens qui libèrent, octobre 2021, 432 p., 9.90 €
Notre modèle destructif de développement atteint ses limites ultimes. Sa toxicité, de plus en plus massive et multidimensionnelle (sanitaire, environnementale, mentale, épistémologique, économique), est engendrée avant tout par le fait que l’économie industrielle actuelle repose sur un modèle physique dépassé qui dissimule systémiquement que l’enjeu fondamental de l’ère Anthropocène est la prise en compte de l’entropie. Ce livre dessine le monde tel qu’il devrait être pour répondre aux grandes crises sanitaires, climatiques, sociales, économiques ou psychiques. En ces temps de graves périls, il nous faut bifurquer : il n’y a pas d’alternative.
https://www.monde-diplomatique.fr/2020/11/CRIGNON/62420
HISTOIRE
Michel Pastoureau, Le Corbeau, une histoire culturelle, Le Seuil, octobre 2021, 160 p., 19.90 €
Il s’agit du troisième volume de la série à succès consacrée à l’histoire culturelle des animaux, dans lequel, à travers 80 illustrations et un plan la fois chronologique et thématique, Michel Pastoureau retrace l’histoire symbolique, littéraire, lexicale et artistique d’un animal, en l’occurrence ici celle du corbeau, qui tout à la fois intrigue, fascine ou terrifie. Oiseau noir, célébré par toutes les mythologies, le corbeau européen ne cesse de se dévaloriser au fil des siècles. Si l’Antiquité gréco-romaine loue sa sagesse, son intelligence, sa mémoire, le christianisme médiéval à sa suite le rejette violemment : c’est un oiseau impie qui occupe une place de choix dans le bestiaire du Diable, symbolisant l’incarnation du démon et de toutes les forces du mal. À l’époque moderne, la symbolique du corbeau continue de se dévaloriser, comme l’attestent les fables, les proverbes, les faits de langue et de lexique. Il reste un animal au cri lugubre, un oiseau noir de mauvais augure et devient même, dans un sens figuré, un dénonciateur, un auteur de lettres anonymes. On en a peur car il a partie liée avec l’hiver, la désolation et la mort. De nos jours, cependant, le corbeau semble prendre sa revanche : les enquêtes les plus récentes sur l’intelligence animale montrent que non seulement il est le plus sagace de tous les oiseaux mais qu’il est probablement aussi le plus intelligent de tous.
ESSAI
Peter Szendy, Pour une écologie des images, Éditions de Minuit, novembre 2021, 96 p., 14 €
Comment entendre le projet d’une écologie des images ? Lorsque Susan Sontag l’ébauche pour la première fois à la fin de son ouvrage de 1977 sur la photographie, il résonne comme une exhortation à la vigilance face au débordement d’images qui menace d’engloutir notre capacité de voir. Plus récemment, derrière ce souci d’une économie de l’attention, une autre inquiétude a percé, concernant cette fois les retombées environnementales de la circulation et du stockage des images numériques.
Cet essai tente d’explorer une troisième voie : sous l’immédiateté du visible, il s’agit de laisser affleurer les temporalités dissonantes et les vitesses contrastées qui font la tension, le ton des images dans leur venue à l’apparaître.
Non seulement celles qui furent faites de la main de l’homme, mais aussi toutes les autres, depuis les infinies variations mimétiques du règne animal jusqu’aux vues produites par les machines ou le divin.
Le chemin parcouru conduit de l’histoire de l’ombre (elle commence avec Pline) jusqu’à ce que Bataille aurait pu appeler une iconomie à la mesure de l’univers. En cours de route, on s’arrête sur l’iconogenèse selon Simondon, la mimétologie de Caillois, les papillons de Nabokov, le ralenti d’Epstein, une gravure de Hogarth et le développement de la photographie aérienne.
Thom Van Dooren, En plein vol, vivre et mourir au seuil de l’extinction, traduit de l’anglais par Marin Schaffner, Wildproject, octobre 2021, 270 p., 21 €
Les albatros sont en voie d’extinction à cause du plastique, les vautours indiens à cause des médicaments, les manchots pygmées à cause de l’urbanisation, les corneilles hawaïennes à cause de la déforestation, et les dernières grues blanches vivent désormais en captivité.
Mais qui sont ces oiseaux qui disparaissent ?
À travers cinq espèces, le philosophe de terrain australien Thom van Dooren propose une plongée au cœur des vies des oiseaux qui subissent les effets de nos modes de vie destructeurs.
Cette étude pédagogique et sensible explore tout ce qui est perdu lorsqu’une forme de vie disparaît du monde – et comment les humains y sont impliqués en retour.
Un des fondateurs du champ émergent des « études de l’extinction », Thom van Dooren met les réflexions éthiques en discussion avec les sciences naturelles, déployant ainsi une approche intime de la perte, et de ce que signifie le fait de survivre aux portes de l’oubli.
https://www.faunesauvage.fr/fslivre/en-plein-vol-vivre-et-mourir-au-seuil-de-lextinction
PHILOSOPHIE
Jürgen Habermas, Une Histoire de la philosophie, vol. 1, La Constellation occidentale de la foi et du savoir, traduit de l’allemand par Frédéric Joly, Gallimard, octobre 2021, 864 p., 32 €
Depuis l’apparition du platonisme chrétien dans l’empire romain, la discussion sur la foi et le savoir a façonné le développement ultérieur de l’héritage philosophique des Grecs. Dans cette discussion Jürgen Habermas trouve le fil directeur de sa généalogie d’une pensée postmétaphysique.
Il montre comment la philosophie — en parallèle à la formation d’une dogmatique chrétienne dans les concepts philosophiques — s’est pour sa part approprié des contenus essentiels issus des traditions religieuses et s’est transformée en un savoir capable de fondation. C’est précisément à cette osmose sémantique que la pensée séculière qui succéda à Kant et à Hegel doit la thématique de la liberté rationnelle et les concepts fondamentaux de la philosophie pratique qui, jusqu’à aujourd’hui, se sont révélés déterminants.
Alors que la cosmologie grecque a été déracinée, les contenus sémantiques d’origine biblique ont été transférés dans les concepts fondamentaux de la pensée postmétaphysique.
L’histoire de la philosophie peut être aussienvisagée comme une succession irrégulière de processus d’apprentissage provoqués de façon contingente. Une telle « généalogie » non seulement met en évidence ces contingences, mais elle met en lumière la nécessité d’un concept compréhensif de raison et la conception que la pensée philosophique se fait d’elle-même à l’aune de ce concept. Habermas élabore une conception dialectique de l’émancipation de la science par rapport à la théologie et du savoir par rapport à la foi. Et il encourage l’instauration d’une relation dialogique vis-à-vis de toutes les traditions religieuses. (…)
« Plus qu’une histoire, Habermas met ici en place une « généalogie ». Les concepts philosophiques sont replacés dans le contexte sociohistorique où ils apparaissent, mettant en évidence que le processus d’apprentissage de la discipline se confond avec celui de la société elle-même. La généalogie ne se réduit pas ici à une dénonciation des illusions, mais devient un outil d’élucidation aux mains d’un philosophe, certes conscient de la faillibilité de son discours mais qui entend ainsi rendre leurs lettres de noblesse à deux notions malmenées, la raison et le progrès. »
Le Monde, novembre 2019 lors de sa parution en allemand
BEAU LIVRE
Jean-François Spricigo, Marcel Moreau,Oraison sauvage, Le Bec en l’air, novembre 2021, 132 p., 39 €
Artiste échappant aux courants et aux modes, Jean-François Spricigo développe une œuvre personnelle où la photographie est en lien avec la littérature, le théâtre, la vidéo et la musique.
Dans Oraison sauvage, il met en récit son rapport intense à la nature, en particulier aux animaux sauvages. Source d’apaisement, ce rapport est fondé non sur une hiérarchie mais sur une interdépendance, et sur un équilibre retrouvé entre sens et intelligence, instinct et connaissance, honnêteté des émotions et détermination de la pensée.
Oraison sauvage réunit ainsi plusieurs séries de photographies que Jean-François Spricigo a réalisées depuis ses débuts en 2003, dans ce noir et blanc qui fait la force de son écriture – mais aussi pour la première fois en couleurs, et dans une pluralité de formats (moyen format, panoramique).
Le livre rassemble aussi des textes de plusieurs registres : un texte personnel de l’auteur, un entretien avec son ami l’écrivain belge récemment disparu Marcel Moreau (ainsi qu’un texte que ce dernier avait consacré à son œuvre en 2004), et enfin des extraits des textes d’une création théâtrale de Jean-François Spricigo, À l’infini nous rassembler, créé en 2018 au Cent-Quatre à Paris avec la comédienne Anna Mouglalis.
Martin Gayford, David Hockney, On ne reporte pas le printemps, David Hockney en Normandie, traduit de l’anglais par Pierre Saint-Jean, Le Seuil, octobre 2021, 280 p., 29.90 €
À l’aube de ses quatre-vingts ans, David Hockney a recherché pour la première fois la tranquillité à la campagne, un lieu où observer le coucher du soleil et le changement des saisons, un endroit où tenir à distance la folie du monde. Ainsi, lorsque la Covid-19 et le confinement ont frappé, cela n’a pas changé grand-chose à la vie à La Grande Cour, la ferme normande plusieurs fois centenaire où Hockney avait installé son atelier un an auparavant.
On ne reporte pas le printemps est un manifeste qui célèbre la capacité de l’art à divertir et à inspirer. Il s’appuie sur une multitude de conversations et de correspondances inédites entre David Hockney et le critique d’art Martin Gayford, son ami et collaborateur de longue date. Leurs échanges sont illustrés par une sélection de peintures et de dessins inédits réalisés par l’artiste sur son iPad en Normandie, en lien avec des oeuvres de Van Gogh, Monet, Brueghel et d’autres encore.
Constamment poussé à aller de l’avant par son enthousiasme contagieux et son sens de l’émerveillement, à contre-courant depuis toujours, mais très populaire depuis soixante ans, Hockney ne se préoccupe pas de l’opinion des critiques. Totalement absorbé par son environnement et les thèmes qui le fascinent depuis des décennies : la lumière, la couleur, l’espace, la perception, l’eau, les arbres, il a beaucoup à nous apprendre, non seulement sur notre façon de voir… mais aussi sur notre façon de vivre.
Audrey Hoareau, René Maltête, inventaire poétique, éditions du Chêne, novembre 2021, 372 p., 49 €
La première monographie consacrée au photographe et poète René Maltête.
Toute sa vie, René Maltête s’est donné pour mission de nous faire sourire. Photographe humaniste à l’œil vif, poète écologiste et farceur, metteur en scène de ses célèbres photos gag, ce trublion de l’image a su capturer toute la facétie des décennies de l’après-guerre. De sa Bretagne natale à sa vision de l’enfance, cette imposante monographie rassemble enfin toutes les facettes de son travail. Une balade joyeuse à travers cette France de carte postale qu’il a en grande partie contribué à créer.
BANDES DESSINÉES
Wilfried Lupano, Léonard Chemineau, La Bibliomule de Cordoue, Dargaud, novembre 2021, 264 p., 35 €
Califat d’Al Andalus, Espagne. Année 976.
Voilà près de soixante ans que le califat est placé sous le signe de la paix, de la culture et de la science. Le calife Abd el-Rahman III et son fils al-Hakam II ont fait de Cordoue la capitale occidentale du savoir.
Mais al-Hakam II meurt jeune, et son fils n’a que dix ans.
(…)
Cette fable historique savoureuse écrite par Wilfrid Lupano (Les Vieux Fourneaux, Blanc Autour, …) et servie par le trait joyeux de Léonard Chemineau (Le Travailleur de la nuit, Edmond, …), fait écho aux conflits, toujours d’actualité, entre la soif de pouvoir et la liberté qu’incarne le savoir.
Catherine Meurisse, La jeune femme et la mer, Dargaud, octobre 2021, 116 p., 22.50 €
Catherine Meurisse a résidé plusieurs mois à la Villa Kujoyama, une résidence d’artistes située à Kyoto. Cherchant à renouveler son inspiration, elle s’est immergée dans les paysages japonais. Un an plus tard, elle séjournait de nouveau au Japon, quand le typhon Hagibis dévastait une partie du pays. De ces deux voyages, placés sous le signe de la nature, tour à tour muse et dévastatrice, est né l’album La Jeune femme et la mer. « Je voudrais peindre la nature », affirme la dessinatrice française à peine atterrie sur le sol japonais.
Mais la nature ne sait pas prendre la pose. Elle se transforme, nous entoure, nous subjugue. Sur son chemin, comme un miroir, un peintre japonais, qui, lui, voudrait « peindre une femme. » Quelle femme ? Nami, la jeune femme de l’auberge thermale où les deux artistes vont séjourner ? Nami, mystérieuse, n’est pas un modèle facile. Elle semble liée aux éléments naturels : elle sait lire l’arrivée d’un typhon dans les plis de la mer. Pour décrypter les signes dans ce décor rural du sud de l’archipel, un tanuki effronté, animal mythologique incontournable de la culture nippone, surgit au gré des déambulations de nos deux amis artistes.
Dans une nature magnifiquement retranscrite par un trait de plume précis, où plane l’ombre d’Hokusaï et des maîtres de l’estampe, Catherine Meurisse propose avec « La Jeune femme et la mer » un récit initiatique qui questionne la place de l’Homme dans la nature et le recours à l’art pour saisir les paysages qui disparaissent.
« Tout en cherchant à comprendre comment le paysage influence les arts, Catherine Meurisse intercale dans son récit des scènes plus prosaïques et humoristiques, et confère ainsi une belle dynamique à l’album. À la plume et à l’aquarelle, elle restitue majestueusement la grâce et la plénitude des paysages japonais, allant puiser de superbes couleurs et un trait précis dans les estampes ukiyo-e. (…) »
Livres Hebdo, 22 octobre 2021
JEUNESSE
Rebecca Dautremer, Une toute petite seconde, Sarbacane, novembre 2021, 38 €
Dès 5 ans
Un nouvel instant de la vie de Jacominus, dans une forme nouvelle encore plus riche et vaste à explorer…
Mais où s’arrêtera-t-elle ? Rébecca Dautremer n’a pas fini de nous conter la vie de son lapin Jacominus Gainsborough. Après ses Riches Heures, puis la belle attente de son rendez-vous à Midi pile, elle a décidé de suspendre le temps : voici tout ce qui se trame autour de Jacominus à cette toute petite seconde qui verra son destin basculer avec lui, dans l’escalier de la véranda familiale.
Si le temps se resserre, le décor s’élargit. Dans un dépliant de plus de 2 mètres, l’artiste déploie une fresque à la Brueghel où le lecteur captivé pourra se plonger durant de « riches heures ». Il y découvrira 100 micro-fictions savoureuses, contées dans un livret glissé en ouverture. L’autrice a en effet imaginé ce que vivent, pensent ou ressentent, à cette même seconde, pas moins de 100 personnages ! Moments étranges ou joyeux, graves ou légers, qui autour de Jacominus tissent l’incroyable et touchante diversité de la vie.
https://www.youtube.com/watch?v=hnqGhMkMx8M&ab_channel=%C3%89ditionsSarbacane