LA SÉLECTION DE JANVIER 2022
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Dima Abdallah, Bleu nuit, Sabine Wespieser Éditeur, janvier 2022, 232 pages, 20 €
Bouleversant portrait d’un homme en proie à ses fantômes, Bleu nuit est un livre d’une puissante humanité, celle de ces laissés-pour-compte rencontrés dans la rue, et celle d’un magnifique personnage, sombre et lumineux à la fois, luttant de toutes ses forces pour échapper au pire.
https://www.lorientlejour.com/article/1286699/le-bleu-nuance-aigue-de-lobscurite.html
Hector Mathis, Langue morte, Buchet Chastel, janvier 2022, 256 pages, 17,90 €
Seul et désemparé, le narrateur de Langue morte déambule dans les rues de son enfance. Son errance lui fait traverser le temps, ressuscite ses voisins, ses parents, son frère, ainsi que tous les curieux personnages dont il a croisé la route. Initié au théâtre par son père, à la bêtise par l’école et à la mort par sa grand-mère, il sera contraint de fuir pour échapper à ses propres démons… De la grisâtre à l’Autriche, en passant par Paris, le Gard, l’Allemagne et l’Italie, le narrateur sera confronté au désoeuvrement, à la souffrance et à la colère mais découvrira aussi l’amour, la musique et l’amitié. Ces obsédants souvenirs de jeunesse le conduiront jusqu’au petit matin, à l’aube d’une époque nouvelle.
Michel Jullien, Andrea de dos, Verdier, janvier 2022, 128 p., 15 €
Quelque part en Amérique du Sud, un pèlerinage en terrain équatorial. Chacun a son voeu, griffonné sur un bout de papier, et va cheminer sur des kilomètres jusqu’au terme de la procession où se campe une madone miraculeuse. Ils sont des milliers. La longue route de dévotion est parcourue d’une corde que l’on doit tenir d’une main sans jamais lâcher. Tomber, perdre la corde, s’en dessaisir ne serait-ce qu’une fraction de seconde, c’est voir son voeu brisé, remis d’un an.
Deux étudiantes, Andrea et sa soeur Ezia, vont se mêler au ruban des pèlerins, prendre la corde, être des grandes bousculades.
L’écriture baroque et intense de Michel Jullien nous porte, par une suite de plans larges rapprochés, au coeur même de cette procession, dont il s’inspire librement, dans une espèce d’exotisme à rebours où se mélangent l’humour et la brutalité, l’outrance des foules et la tendresse qu’il nourrit pour ses deux personnages.
Nathalie Azoulai, La Fille parfaite, P.O.L., janvier 2022, 320 p., 20 €
À travers cette amitié au long cours, c’est un roman d’apprentissage à deux têtes qui se déploie, où l’orientation scolaire détermine bien plus qu’un cursus en façonnant l’intelligence et toute une existence, les relations familiales et amoureuses, la maternité, l’ambition et le rapport au monde… Notamment quand on est une femme et qu’on s’attaque au territoire des hommes.
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/nathalie-azoulai-la-fille-parfaite
Vincent Message, Les Années sans soleil, Le Seuil, janvier 2022, 256 p., 19 €
« Non seulement il (l’auteur) imagine le très réaliste quotidien de la ville de Toulouse, aux prises avec une crise climatique qui secouera toute la France. Mais il fait partager le cheminement intérieur de son modeste Elias, qui de page en page comprend mieux le monde, l’amitié, l’écriture, la poésie. Et ce qu’être mari, amant et père signifie. Soit ce réel « discret, secret ou méconnu ». » Télérama, 4 janvier 2022
Mario Alonso, Watergang, Le Tripode, janvier 2022, 228 p., 18 €
https://actualitte.com/article/103537/avant-parutions/watergang-la-premiere-vague-de-mario-alonso
Hélène Gestern, 555, Arléa, janvier 2022, 460 p., 22 €
« Gestern est à son meilleur dans les passages consacrés à la claveciniste. (…) Cʼest une trajectoire d’interprète, superbement rendue. Le roman est dédié à ceux qui « accompagnent les années, les heures et les jours ». » Libération, 8 et 9 janvier 2022
Gabrielle Filteau-Chiba, Sauvagines, Stock, 368 p., 20.90 €
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
Jason Mott, L’Enfant qui voulait disparaitre, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jérôme Schmidt, , Éditions Autrement, janvier 2022, 432 p., 22.90 €
Louise Erdrich, Celui qui veille, traduit de l’anglais (États-Unis) par Sarah Gurcel, Albin Michel, 560 pages, 24 €
https://www.la-croix.com/Culture/Celui-veille-lhymne-liberte-Louise-Erdrich-2022-01-05-1201193295
Inspirée par la figure de son grand-père maternel, qui a lutté pour préserver les droits de son peuple, Louise Erdrich nous entraîne dans une aventure humaine peuplée de personnages inoubliables. Couronné par le prix Pulitzer, ce majestueux roman consacre la place unique qui est la sienne dans la littérature américaine contemporaine.
Carlos Fonseca, Musée animal, traduit de l’espagnol (Costa Rica) par André Gabastou, Éditions Christian Bourgois, 450 pages, 23 €
À l’aube du nouveau millénaire, le conservateur d’un musée d’histoire naturelle du New Jersey reçoit une invitation inhabituelle d’une célèbre créatrice de mode. Elle partage la fascination du conservateur pour les formes cachées du règne animal – le camouflage et le subterfuge – et lui propose de collaborer à une exposition, dont la forme reste largement obscure, alors même qu’ils entament une étrange relation.
Sept ans plus tard, après la mort de la designer, le conservateur récupère les archives de leur projet jamais abouti. Au cours d’une longue nuit d’insomnie, il trouve dans ces archives une série d’indices sur la véritable histoire de la famille du designer, un puzzle qui serpente de Haïfa, en Israël, à la bohème new-yorkaise des années 1970, en passant par la jungle latino-américaine. En chemin, il croise des personnages dont les propres obsessions interrogent les frontières instables entre l’art, la science, la politique et la religion : un photographe vieillissant, vivant presque seul dans une ville minière abandonnée où les incendies souterrains font rage ; une ex-mannequin devenue artiste conceptuel ; un jeune indigène qui a reçu une vision de la fin du monde.
Musée animal expose la fiction d’un monde partagé entre la foi et l’ironie, entre la tragédie et la farce, et impose Carlos Fonseca comme l’un des écrivains les plus audacieux de sa génération.
Elif Shafak, L’île aux arbres disparus, traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet,Flammarion, janvier 2022, 432 pages, 22 €
« Ouvrir un roman d’Elif Shafak c’est chaque fois plonger dans un univers onirique où se côtoient contes et légendes mais aussi intolérance, rejet et tragédies humaines. Avec l’Ile aux arbres disparus, cette sensation est poussée à l’extrême puisque le héros principal est un figuier qui pense, souffre et rêve, ce figuier incarnant tout à la fois la nature malmenée, la Méditerranée et sa culture, et surtout les secrets enfouis dix pieds sous terre. »
Libération, 8 janvier 2022
Jón Kalman Stefánsson, Ton absence n’est que ténèbres, traduit de l’islandais par Éric Boury, Grasset, 608 p., 25 €
LIVRES DE POCHE
Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée, Gallimard, janvier 2022, 128 p., 7 €
Djaïli Amadou Amal,Les Impatientes, J’ai Lu, janvier 2022, 288 p., 7.90 €
https://www.lapresse.ca/arts/litterature/2020-12-06/les-impatientes/la-patience-a-un-prix.php
Jean-Claude Charles, Manhattan Blues, Mémoire d’encrier, janvier 2022, 272 p., 12 €
https://www.ledevoir.com/lire/451519/le-gout-des-autres-new-york-notes-bleues-et-jean-claude-charles
ESSAI
Estelle D’Halluin, Bérangère Taxil, Caroline Billet (dir.), L’Accueil des demandeurs d’asile aux portes de l’Europe, Mare & Martin, janvier 2022, 280 p., 24 €
Éric Chevillard, L’Arche Titanic, Stock, janvier 2022, 180 p., 18 €
Nous sommes le 5 novembre 2019 et je m’apprête à passer la nuit seul dans la Grande Galerie de l’Évolution du Muséum d’Histoire naturelle de Paris.
Cette perspective est-elle si effrayante ? Je n’ai pas l’intention de laisser ma peau aux taxidermistes du muséum ! Ils ont assez à faire avec l’éléphant de mer. Je suis sans doute le seul de la bande au contraire qui ne risque rien dans les heures à venir. Sont réunies ici les conditions de la plus parfaite sérénité. Ces toisons soyeuses, ces pelages, ces peluches… n’est-ce pas ce qui depuis toujours rassure l’enfant craintif dans le grand vide noir de la nuit ?
Maggie Nelson, De la liberté, Quatre chants sur le soin et la contrainte, traduit de l’anglais (États-Unis) par Violaine Huysman, Éditions du Sous-sol, janvier 2022, 416 p., 23 €
Dans son nouvel essai, De la liberté, Maggie Nelson nous offre, en s’appuyant sur un vaste corpus, de la théorie critique à la culture populaire, une manière de penser et d’interroger notre propre liberté. Dans la lignée des Argonautes et de son écriture à la fois réflexive et intime, nous retrouvons toute la singularité de celle qui est devenue, au fil des années, une icône de la pensée. Elle convoque et déconstruit les débats du monde de l’art, l’héritage complexe de la libération sexuelle, les douloureux paradoxes de l’attrait du désespoir face au changement climatique. Passionnant, déroutant, nuancé et courageux, De la liberté confronte le lecteur à ses propres contradictions.
Laure Murat, Qui annule quoi, Éditions du Seuil, janvier 2022, 48 p., 4,50 €
Et si la cancel culture n’était que l’avatar logique, inévitable, d’une démocratie à bout de souffle, dite désormais illibérale ? L’enfant naturelle de la pensée occidentale et du capitalisme débridé, dans une société supposément universaliste, aveugle à ses impensés et incapable de reconnaître les crimes et les conséquences sans nombre de l’esclavage et de la colonisation ? N’allez pas chercher la violence de la cancel culture ailleurs que dans la brutalité du pouvoir. Là se loge le danger, et là l’impasse.
RÉÉDITION ESSAI
Georges Pérec, Espèces d’espaces, Le Seuil, janvier 2022, 208 p., 24 €
Édition augmentée d’inédits
https://textualites.wordpress.com/2016/03/15/especes-despaces-de-georges-perec/
POLARS
Hugues Pagan, Le Carré des indigents, Rivages, janvier 2022, 384 p., 20.50 €
« Le Carré des indigents est un roman de l’ombre veloutée, à la Jean-Pierre Melville. Il fait la part belle aux seconds couteaux, dévorés par la déprime et la poisse qui leur colle aux basques. Mais on en redemande, tout simplement parce que c’est beau. »
Télérama, 4 janvier 2022
Ragnar Jónasson, Dix âmes, pas plus, traduit de l’islandais, La Martinière, janvier 2022, 21 €
POÉSIE
Jean-Paul Michel, Un Cri, chose et signe., Éditions William Blake & Co, janvier 2022, 8 €
BANDES DESSINÉES
Fabien Grolleau, Abdel de Bruxelles, Tanger sous la pluie, Dargaud, janvier 2022, 120 p., 21 €
https://www.dargaud.com/bd-en-ligne/tanger-sous-la-pluie/11394/e36fe0640992abc226a0d8733ef77a91
Benjamin Flao, L’Âge d’eau, première partie, Futuropolis, janvier 2022, 160 p., 22 €
https://www.youtube.com/watch?v=jXd8psTM0EA&feature=youtu.be&ab_channel=EditionsFuturopolis
Mahi Grand, La Conférence, d’après une nouvelle de Franz Kafka, Dargaud, janvier 2022, 128 p., 19.99 €
https://boulevarddelabd.com/la-conference-dapres-une-nouvelle-de-kafka-mahi-grand-ed-dargaud/
JEUNESSE
Vida Simon, L’Univers bleu d’Anouka, Les éditions du Passage, janvier 2022, 96 p., 18 €
« Après avoir offert deux albums documentaires dans la collection Famille, les éditions du passage ouvrent les possibles et éditent leur premier album de fiction avec L’univers bleu d’Anouka. Objet d’art avant tout, l’album écrit et illustré par Vida Simon est divisé en cinq chapitres dans lesquels l’autrice montréalaise raconte la passion d’une fillette pour la couleur bleue. […] l’histoire s’offre surtout comme une suite de pensées, d’instants croqués, d’émotions, de réflexions sur l’art. […] Simon expose des tableaux d’une grande intensité, joue avec la matière et les techniques en mêlant habilement photographie, collage, aquarelle. Initiation à l’art plus qu’album narratif, L’univers bleu d’Anouka attire l’œil et assure une incursion singulière au cœur de la richesse artistique. »
Marie Fradette, Le Devoir
REVUES
La Déferlante n°4 « S’aimer », 160 p., 19 €
Avec des contributions d’Anne Pauly, Christiane Taubira, Alice Diop, Victoire Tuaillon, Bibia Pavard….