Banquet du livre d'automne 2013
Autour de Claude Simon, une communauté discrète d'auteurs et de lecteurs
du samedi 9 au lundi 11 novembre 2013
rencontres | lectures | librairie
lectures musicales | soirée cinéma | café-restaurant
Claude Simon, dans son Discours de Stockholm (Minuit, 1986) dit ceci (p. 24-25) :
« Je suis maintenant un vieil homme, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j’ai été témoin d’une révolution, j’ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières […], j’ai côtoyé les gens les plus divers […], enfin j’ai voyagé un peu partout dans le monde… et cependant, je n’ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n’est, comme l’a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que ‘si le monde signifie quelque chose, c’est qu’il ne signifie rien’ – sauf qu’il est.
[…] Eh bien, lorsque je me trouve devant ma page blanche, je suis confronté à deux choses : d’une part le trouble magma d’émotions, de souvenirs, d’images qui se trouve en moi, d’autre part la langue, les mots que je vais chercher pour le dire.
Et tout de suite, un premier constat : c’est que l’on écrit (ou ne décrit) jamais quelque chose qui s’est passé avant le travail d’écrire, mais bien ce qui se produit (et cela dans tous les sens du terme) au cours de ce travail, au présent de celui-ci, et résulte, non pas du conflit entre un très vague projet initial et la langue, mais au contraire d’une symbiose entre les deux qui fait, du moins chez moi, que le résultat est infiniment plus riche que l’intention. »
C’est « ce phénomène du présent de l’écriture » dont une communauté discrète de lecteurs et d’auteurs fait l’expérience aujourd’hui. En opposition avec « les forces conservatrices », s’affirment des forces « que je n’appellerais pas ‘de progrès’ (ce mot n’a, en art, aucun sens) mais de mouvement, mettant bien en lumière ce divorce de plus en plus prononcé […] entre l’art vivant et le grand public peureusement entretenu dans un état d’arriération par les puissances de tout ordre dont la plus grande peur est celle du changement. » (p.10). Claude Simon – son œuvre – est bien vivant aujourd’hui dans l’élan créateur de la littérature, comme en veut témoigner ce Banquet.
Claude Simon (1913-2005), Prix Nobel de littérature 1985. Son dernier roman, Le Tramway (2001), évoque, avec tendresse mais sans complaisance, l’enfance à Perpignan où il reviendra souvent. Son nom est associé au Nouveau Roman et aux Éditions de Minuit, son fidèle éditeur. Dans La Route des Flandres (1960), Simon fait revivre son expérience de la débâcle : la confusion des sens, la vivacité fragmentaire des souvenirs et des perceptions. Avec Les Géorgiques (1981), « Claude Simon nous offre trois images de la guerre, de la faillite, de l’histoire qui échappe à ceux qui la font » (Pierre Lepape, Télérama). Traduit dans le monde entier, Simon exerce une influence majeure sur de nombreux écrivains contemporains.
Le programme
Samedi 9 novembre 2013
15 h : Formes du savoir, formes de l’Histoire. De Claude Simon à la littérature contemporaine, conférence introductive de Dominique Viart.
Lecture par le comédien Serge Renko
16 h 30 : Les corps conducteurs : Claude Simon jusqu’à nous, par Johan Faerber
Lecture par le comédien Serge Renko
21 h 30 : Soirée cinéma « Autour de Claude Simon ». Projection de :
- Triptyque avec Claude Simon, film de Georg Bense, Peter Brugger et Claude Simon (52’),
- Rencontre avec Réa Simon, film d’Alain Fleischer, réalisé pour l’Exposition « Claude Simon, l’inépuisable chaos du monde » de la Bibliothèque publique d’information (BPI) / Centre Pompidou (2 octobre 2013 – 6 janvier 2014)
Dimanche 10 novembre 2013
11 h : Table ronde : Que m’a fait Claude Simon ?, avec Patrick Boucheron, Johan Faerber, Michel Naepels
15 h : Simon, force agissante, rencontre avec Jean-Paul Goux
16 h 30 : Quand je lis Claude Simon, rencontre avec Yves Ravey
18 h : Proust chez Simon, rencontre avec Eugène Nicole
21 h 30 : Soirée « textes et musique » : Les comédiens Fred Jouveaux et Serge Renko lisent Claude Simon et les auteurs présents, accompagnés du musicien Arnaud Rouanet
Lundi 11 novembre 2013
11 h : Table ronde : Que m’a fait Claude Simon ?, avec Jean-Paul Goux, Eugène Nicole, Yves Ravey et Dominique Viart
14 h 30 : Écrire l’expérience de la guerre. L’anthropologie face aux temporalités de la violence, par Michel Naepels
Lecture par le comédien Serge Renko
16 h : La lecture de Claude Simon comme un défi aux historiens, par Patrick Boucheron
Lecture par le comédien Serge Renko
Les auteurs invités
Patrick Boucheron : Historien et écrivain, il a étudié et enseigné l’histoire du Moyen Âge à l’École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud et à l’Université de Paris I où il est professeur. Son domaine de recherche est l’Italie médiévale – ses villes, ses princes, ses artistes, mais aussi l’écriture de l’histoire aujourd’hui. Il a publié récemment : L’Entretemps, Verdier, 2012 ; L’Espace public au Moyen-Âge, P.U.F., 2011. Il a dirigé l’ouvrage collectif L’Histoire du monde au XVe siècle (rééd. Pluriels poche, 2 vol., 2012). Par ailleurs, il est l’auteur d’un récit littéraire : Léonard et Machiavel (Verdier, 2008).
Johan Faerber : Docteur en littérature française de l’université Paris 3, il est l’auteur de Pour une esthétique baroque du Nouveau Roman (Honoré Champion, 2010). Directeur de colloques internationaux, auteur de nombreux articles sur la littérature contemporaine et le Nouveau Roman, il dirige la Série « Le Nouveau Roman en questions » aux éditions Minard, ainsi que la collection Classiques & Cie aux éditions Hatier. Il fait partie enfin du nouveau bureau directeur des éditions Minard et prépare actuellement un essai sur la littérature contemporaine à paraître en 2014 aux PUF. Son ouvrage, La Cuisine des écrivains (rééd. 10/18, 2012) a connu un succès important.
Jean-Paul Goux : après avoir enseigné la littérature à l’université de Tours, il vit désormais à Besançon. Son œuvre romanesque est publiée par Actes Sud depuis 1995. Le Séjour à Chenecé (2012) clôt une trilogie romanesque, « Les Quartiers d’hiver », qui, entamée avec L’Embardée en 2005, s’est poursuivie avec Les Hautes falaises (2009). Par ailleurs, il est l’auteur de plusieurs essais importants ; il y poursuit une réflexion sur la prose romanesque, où il défend et illustre une esthétique du « continu » ; ainsi : Les Leçons d’Argol, essai sur Julien Gracq (Temps actuels, 1982), La Fabrique du continu, (Champ Vallon, 1999), La Voix sans repos (Éd. du Rocher, 2003).
Michel Naepels : Ethnologue, directeur d’études à l’EHESS, directeur de recherche au CNRS, il réalise une anthropologie politique de la violence et de ses effets différés, à partir de deux terrains d’enquête ethnographique, en Nouvelle-Calédonie et au Katanga (dans l’est de la République Démocratique du Congo). Ces travaux ont donné lieu à plusieurs publications. Entre autres, Histoires de terres kanakes. Conflits fonciers et rapports sociaux dans la région de Houaïlou (Nouvelle-Calédonie) (Belin, 1998), et son dernier ouvrage, Conjurer la guerre. Violence et pouvoir à Houaïlou (Nouvelle-Calédonie) (Éd. de l’EHESS, 2013).
Eugène Nicole : Romancier et essayiste, il est né à Saint-Pierre-et-Miquelon, où il a passé toute son enfance. Après des études en France (la Sorbonne et Sciences Po Paris), il est depuis 1989 professeur de littérature française à l’Université de New York. Spécialiste de Proust, il collabore à l’édition de À la recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade, puis établit l’édition de À l’ombre des jeunes filles en fleurs et Le Temps retrouvé pour Le Livre de Poche en 1993. Avec L’Œuvre des mers (nouvelle édition, l’Olivier, 2011, Prix Joseph Kessel, 2011), vaste fresque consacrée à l’archipel de son enfance, il livre le roman d’une vie et d’une communauté. Il vient de publier son 6e roman : Les Eaux territoriales (L’Olivier, 2013).
Yves Ravey vit à Besançon, où il enseigne les arts plastiques. Il est romancier et dramaturge. Son 1er roman, La Table des singes, paraît en 1989 chez Gallimard. Les éditions de Minuit, qu’il a rejointes dès 1992, publient Le Drap, en 2003, un court récit qui dit la mort du père, et qui sera monté en 2011 à la Comédie française. Les romans suivants tiennent du polar, mais un polar à l’intrigue mince, qui résonne des bruits du monde – l’Afghanistan dans Enlèvement avec rançon (2010), la Résistance et la collaboration. Il faut savoir cette mère autrichienne que le père est allé rechercher après son retour du STO. Mais tous ces éléments jouent en sourdine […] Ils donnent juste le reflet effrayant de notre humaine condition ». (J.-B. Harang). Son 12e roman, Un notaire peu ordinaire, est paru en 2013.
Dominique Viart : Essayiste et critique, il est membre de l’Institut Universitaire de France et professeur de littérature moderne et contemporaine à l’Université. On lui doit d’avoir développé l’étude de la littérature contemporaine dans la recherche française. Il est l’auteur d’essais sur la littérature d’aujourd’hui, dont Le Roman français au 20e siècle (rééd. A. Colin, 2010). En 2003, il crée l’Association des lecteurs de Claude Simon, qu’il préside jusqu’en 2012. Sur Claude Simon, il a publié Une mémoire inquiète (rééd. Presses du Septentrion, 2010) et dirigé l’ouvrage Claude Simon, maintenant (Cahiers Claude Simon n°2, 2006). Il est directeur scientifique de l’exposition Claude Simon, à la BPI du centre Pompidou.
Lectures
Serge Renko accompagnera les intervenants en lisant les morceaux choisis. Comédien, il a été l’un des acteurs préférés d’Éric Rohmer, pour qui il tient le rôle principal dans Triple Agent (2004). En 2012, il incarne au cinéma le marquis de la Chesnaye dans Les Adieux à la reine, de Benoît Jacquot ; il se produit dans Qui Vive (sortie 2014), de Marianne Tardieu. Il prête sa voix dans Pars vite et reviens tard, d’après Fred Vargas, dix épisodes réalisés par Cédric Aussir pour France Culture. Au théâtre, il a joué notamment dans Et nos corps si capables se mirent à danser (mise en scène Laure Salama, 2008) et dans La Mouette, de Tchékhov (mise en scène Filip Forgeau), créé en novembre 2013, à La Fabrique, scène conventionnée de Guéret.
Fred Jouveaux conduit de nombreux projets alliant texte et musique. Il a joué depuis 1997 comme musicien ou comédien, dans une dizaine de pièces ou spectacles musicaux.
Arnaud Rouanet, musicien multi-instrumentiste : saxophone, clarinette, sampler, percussions…, est co-directeur artistique de la Compagnie 3db. Avec le Trio d’en bas, une formation de jazz expérimental, il se produit partout en France (Marciac, Uzeste, Brest, Lubéron, Grenoble…) et dans le monde (Argentine, Moscou, Odessa, Hong Kong, Séoul…). Album CD : Le Trio d’en bas enlève le haut (2013) : « Un collage dynamique de surprises et d’émotions » (Jazz Magazine).
Les enregistrements audios