Rencontres littéraires 2017
Samedi 21 janvier 2017 à 16 h
Rencontre avec la philosophe Françoise Valon
à l’occasion de la parution de son nouveau livre co-écrit avec Geneviève Azam, Simone Weil ou l’expérience de la nécessité (Le passager clandestin, coll. « Les Précurseurs De La Décroissance», octobre 2016)
Conversation-lecture-débat
Entrée libre et gratuite
Françoise Valon est professeur agrégé de philosophie. Elle a enseigné la philosophie et le théâtre dans plusieurs villes de France. Elle intervient ponctuellement au département des sciences sociales à l’Université Jean Jaurès, dans différentes associations et autres rencontres ouvertes pour exposer et débattre autour des penseurs de tous temps. Elle anime depuis plusieurs années un atelier de philosophie lors du Banquet du Livre d’été à Lagrasse.
À PROPOS DE SIMONE WEIL OU L’EXPÉRIENCE DE LA NÉCESSITÉ
Simone Weil (1909-1943) fut une lanceuse d’alerte dont la voix fut recouverte en son temps. Ce qu’elle annonçait se vérifie aujourd’hui : le système capitaliste et industriel tend à détruire toutes les bases possibles d’une organisation différente, et il subsistera jusqu’à l’extrême limite de ses possibilités. Son appel à une dissidence ultime qui renouerait le « rapport originel de l’esprit avec le monde » doit donc plus que jamais être entendu.
Simone Weil a tenté de concevoir un projet de civilisation capable d’accueillir les tensions entre exigence de liberté et confrontation avec les limites matérielles du monde – la « nécessité ». Ce projet exige un renversement des valeurs instituées dans des sociétés vouées au « règne de la force ». Il annonce celui de la décroissance par son exigence d’une pensée lucide, le refus de la force et de la vitesse, la coopération, la décentralisation, l’amitié et le sens de la beauté.
SIMONE WEIL OU L’EXPÉRIENCE DE LA NÉCESSITÉ, PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR
Philosophe, mais aussi militante et syndicaliste, Simone Weil n’a eu de cesse de se confronter à la réalité de la société. S’opposant à l’industrialisme qui déracine les travailleurs, elle s’est rapidement montrée très critique à l’égard du progrès technique et des rapports de domination qu’il induit. Elle a décrit le fonctionnement des usines modernes dont elle a vécu directement les effets ; elle a opéré une vive critique de la rationalisation et de la division du travail ; et elle a également dénoncé de manière visionnaire les limites des ressources naturelles, et les dégâts liés à leur exploitation. Face à l’esclavage industriel, et à notre impuissance devant la machine sociale, la bureaucratie et l’État, Simone Weil développe le concept d’enracinement, qui supposerait d’habituer dès le plus jeune âge les enfants à mépriser le rapport de forces. À la grande industrie, à la division du travail, à la subordination de l’ouvrier dans l’entreprise, l’enracinement oppose l’organisation de coopératives, de communautés autonomes, de petites unités de production reliées entre elles. La grandeur des hommes tenant à leur capacité à travailler, Simone Weil réfléchit à changer la nature même du travail.
Cela signifie que chacun maîtrise le résultat de son travail, jusque dans ses gestes, grâce à des techniques qui soient pensées pour cela, en quelque sorte, des techniques « conviviales » au sens d’Illich.
L’enracinement s’oppose aussi à la violence de la technique industrielle qui saccage les ressources naturelles, exploite l’énergie à outrance et produit des dégâts irréparables. Simone Weil pointe l’absurdité d’un développement illimité de la production et de la productivité. Sur bien des points, elle anticipe donc clairement les analyses de la décroissance.
SIMONE WEIL OU L’EXPÉRIENCE DE LA NÉCESSITÉ, LA PRESSE EN PARLE
La Décroissance – novembre 2016
Une incontestable précurseur. Cette courte introduction permet de se familiariser avec une philosophe exemplaire, communiste qui critique le marxisme et le développement illimité des forces productives, chrétienne qui combat aux côtés des anarchistes contre Franco, pacifiste qui résiste pendant la Seconde Guerre mondiale, enseignante qui travaille aussi en usine, partage la condition des prolétaires, éprouve l’oppression pour mieux aiguiser ses critiques de la civilisation industrielle… En seulement 34 ans d’existence, Simone Weil a vécu intensément et laissé une œuvre majeure pour les objecteurs.
EXTRAIT DE SIMONE WEIL OU L’EXPÉRIENCE DE LA NÉCESSITÉ, p. 32, 33
Or, l’absence de toute nécessité n’est pas la liberté car ce serait une liberté vide. On ne peut en finir avec la nécessité, comme on ne peut en finir avec le négatif, avec la mort, c’est la rançon de la liberté. C’est cette pression que les post-humanistes aujourd’hui voudraient justement éradiquer.
Il y a une vérité du travail physique, de l’effort, du contact avec la matière. Vérité qu’on retrouve dans le travail artisanal ou la petite entreprise. Le travail manuel est une façon privilégiée d’être au monde, de faire corps avec le monde, d’en rencontrer les aspérités, de se confronter à la matière. La vie de l’esprit en dépend. C’est pourquoi accepter la nécessité, avec son lot de souffrances physiques, ne s’oppose pas à la liberté contrairement à l’humiliation. Obéir aux rythmes cosmologiques et vitaux s’oppose à la vitesse et à la performance des processus industriels, au saccage des terres, à l’extractivisme forcené, aux prédateurs qui entendent dominer la nature au lieu d’en accepter les limites.
La grande industrie quant à elle, ne fournit que du travail d’esclave, physiquement et moralement éprouvé par Simone Weil après 1934, dans ses expériences à l’usine. La grande entreprise est une caserne ; elle est le lieu d’accomplissement du déracinement. Quant au chômage, il est « un déracinement à la deuxième puissance ». Dans l’industrie, les travailleurs ne sont pas seulement exploités par des rapports de production capitalistes fondés sur la propriété privée des moyens de production, ils sont dominés par ces moyens de production, par une division du travail qui les prive de tout accomplissement. Humiliés et privés de la possibilité de penser leur condition, ils ne peuvent trouver dans le travail l’expérience du bien, de la justice, d’une spiritualité.
Le travail divisé, scientifiquement organisé, taylorisé, réduit les humains à de la matière brute.
Samedi 11 février à 16h
Rencontre avec Dominique Blanc
autour du récit co-écrit avec Daniel Fabre, sur l’aventure singulière d’un brigand du XIXe siècle, au travers de sa biographie. Le Brigand de Cavanac – Verdier Poche, 2015
Conversation – Lecture – Débat
Entrée libre et gratuite
Dominique Blanc est anthropologue au centre de Toulouse de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Ses recherches actuelles portent sur les mises en scène et les mises en récit de la mémoire de la guerre civile espagnole en Catalogne aujourd’hui. Il est aussi traducteur de littérature espagnole, et a notamment traduit nombre d’ouvrages de Miguel Delibes (L’Hérétique, 2000 ; L’Étoffe d’un héros, 2002…), de Felipe Hernàndez (La Dette, 2003 ; Éden, 2004…), tous parus aux éditions Verdier ; ainsi qu’un livre de photos d’Isabel Muñoz (Actes Sud, 2004).
Daniel Fabre, mort en 2016, était anthropologue, directeur d’études à l’EHESS (Paris), chaire d’Anthropologie de l’Europe. Il fut co-fondateur (avec Jean Guilaine) du Centre d’anthropologie des sociétés rurales (EHESS-CNRS Toulouse) ; fondateur et directeur du LAHIC (Laboratoire d’Anthropologie et d’Histoire sur L’Institution de la Culture) ; co-responsable de l’enseignement doctoral EHESS-Ecole française de Rome (1995-2000) et président du GARAE (Carcassonne). Après avoir débuté par des recherches sur la littérature orale, le carnaval, les communautés rurales et l’anthropologie des écritures ordinaires, ses intérêts portaient sur la théorie de l’initiation ; les formes modernes du culte de l’artiste et de l’écrivain ; l’anthropologie des arts et de la littérature ; l’histoire européenne du regard ethnologique.
LE BRIGAND DE CAVANAC, PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR
Dès le début du xxe siècle a circulé à Cavanac, près de Carcassonne, un manuscrit anonyme qui relate en détail une biographie, celle de Pierre Sourgnes, dit l’Antougnou. Le « roman » nous apprend qu’à la suite du différend qui l’opposa à sa mère à propos d’une passion amoureuse, le jeune homme, dans l’été de 1837, prit le maquis ; sa carrière de brigand, riche en coups d’éclat, s’acheva tragiquement quatre ans plus tard…
Dans la multitude des récits que suscita la brièveté intense de cette vie, Dominique Blanc et Daniel Fabre ont isolé les trois canevas qui donnent à ce destin un sens tout différent. La « vérité » de l’Antougnou n’est que le système complet de ces variantes : il est tour à tour criminel monstrueux, bandit d’honneur, et passionné révolté contre l’ordre du village, selon la position que chaque narrateur, chaque groupe social lui assigne.
Depuis une trentaine d’années, ethnologues et historiens débattent du bandit, opposant la réalité de ses méfaits aux prestiges illusoires de sa légende ou remplaçant la singularité insaisissable du brigand par l’anonymat du brigandage. Le cas de l’Antougnou invite à déplacer la perspective. La biographie du brigand est bien le lieu où s’affrontent toujours des fictions contradictoires, mais elle offre aussi, depuis le xviiie siècle, l’occasion de fonder, sur l’écrit et l’image, un héros singulier autour duquel se cristallise toute l’histoire autochtone.
LE BRIGAND DE CAVANAC, LA PRESSE EN PARLE
L’Indépendant – 8 novembre 2015 – Serge Bonnery
Il y a longtemps que ce livre passionnant était épuisé et Verdier a aujourd’hui la riche idée de le republier en poche dans une nouvelle version revue et augmentée qui comprend, outre le texte original du manuscrit de Cavanac daté de 1894, une étude approfondie sur le sujet et tout le dossier de la controverse suscitée au moment de sa première publication. Passionnant.
EXTRAIT DU BRIGAND DE CAVANAC, p.70, 71, 72
La journée qui suivit cette évasion mémorable fut assez belle pendant la matinée, mais la soirée fut pluvieuse. Madame Murat, qui sortait très peu, avait profité du beau temps pour aller prendre l’air dans la campagne et avait poussé jusqu’aux vignes de Saint-Martin, situées à trois kilomètres du village, sur les premières pentes des Corbières. Vers deux heures, au moment où elle se préparait à rentrer à Cavanac, le ciel s’obscurcit, la pluie commença à tomber ; force lui fut de chercher un abri dans une des nombreuses cabanes que les paysans édifient sur les terrains éloignés de toute habitation afin de pouvoir, le cas échéant, trouver refuge contre le mauvais temps. Les cabanes, construites presque toutes sur le même modèle, peuvent contenir trois ou quatre personnes ; elles sont élevées d’environ deux mètres et leur porte n’est jamais fermée à clef pour la raison bien simple que le premier surpris par la pluie n’aurait aucun scrupule à enfoncer la porte si celle-ci n’était pas ouverte. Madame Murat venait donc d’entrer dans une de ces cabanes, quand un autre habitant de Cavanac, qui travaillait dans le voisinage et que la pluie avait aussi dérangé, vint la rejoindre. C’était un nommé Clercy.
« Tiens, fit-il en entrant, je n’aurais jamais cru vous trouver ici, Madame Murat ; il est rare de vous voir dans les champs, et vous avez bien mal choisi votre jour pour déroger à vos habitudes » […]
La conversation continua sur ce ton pendant quelques temps. À un moment, Clercy sortit pour interroger le ciel et dit en rentrant :
« Je crois que la pluie ne tardera pas à cesser ; mais c’est curieux, je viens de voir, là-bas, le long des arbres qui bordent le grand ruisseau un homme dont la vue m’a causé une drôle d’impression. Franchement, si je n’étais pas sûr que l’Antougnou est en prison, j’aurais cru que c’était lui.
– Oh ! mon dieu ! fit madame Murat, ça doit être lui ! il a dû s’échapper !
– Mais non, madame, votre imagination s’égare, si j’avais su je n’aurais pas parlé ainsi ; ce n’est pas l’Antougnou que j’ai vu ! ce ne peut pas être lui ! »
Clercy n’avait pas achevé de parler que Sourgnes parut sur le seuil de la petite porte dont il occupait toute l’ouverture avec ses larges épaules ; il tenait son fusil sous le bras pour en mettre les batteries à l’abri de la pluie.
« Je tombe ici en pays de connaissance », dit-il en entrant. Et s’adressant à madame Murat qui était devenue livide : « Et vous aussi, madame ! Franchement je suis bien aise de vous rencontrer, quoique j’eusse préféré votre mari ; mais faute de grives… d’ailleurs, son tour viendra plus tard. »
Samedi 18 mars à 17h
Rencontre avec l’écrivain Camille De Toledo,
autour de son nouveau roman,
Le Livre de la faim et de la soif, Gallimard, février 2017
Conversation-lecture-débat
Entrée libre et gratuite
Camille de Toledo, né en 1976, a étudié l’histoire et les sciences politiques à l’IEP de Paris, le droit et la littérature à l’université Sorbonne-Censier et le cinéma et la photographie à Londres, à la London School of Economics, puis à la Tisch School de New York. De retour en France, en 1996, après un an passé à Calcutta, puis à Tanger, il fonde la revue Don Quichotte. En 2004, il séjourne à la Villa Médicis. En 2005, il entreprend l’écriture de Strates, une tétralogie, dont deux titres sont parus. Il est aussi l’auteur d’essais mêlant les écritures et les genres. Ses livres sont traduits en Espagne, en Italie, en Allemagne, aux États-Unis.
Camille de Toledo vit à Berlin. Il travaille à des formes d’écritures labyrinthiques selon ce qu’il nomme, « une esthétique du vertige » et œuvre à « une extension du domaine de l’écriture » notamment par des narrations matérielles, plastiques, reliant tous les langages : visuels, sonores, vidéo. En 2015, il présente une série de trois expositions monumentales à Leipzig, au centre d’art de la Spinnerei. Il crée, pour ces narrations matérielles, une « plateforme » de production, le projet Mittel-Europa à travers lequel il invite des chercheurs, des historiens, des théoriciens de l’art, à travailler avec lui, pour inventer, à plusieurs voix, les « avenirs de nos habitations ».
Quelques ouvrages de Camille de Toledo
Strates : – L’Inversion de Hieronymus Bosch, Verticales, 2005
– Vies et mort d’un terroriste américain, Verticales, 2007
Le Hêtre et le bouleau, Le Seuil, 2009
Vies pøtentielles, Le Seuil, 2010
L’Inquiétude d’être au monde, Verdier, 2012
Oublier, trahir, puis disparaître, Le Seuil, 2014
À PROPOS DU LIVRE DE LA FAIM ET DE LA SOIF
Le Livre de la faim et de la soif est une chevauchée effrénée dans les contrées du conte et du roman picaresque. Le personnage central est le livre lui-même. Alter ego du narrateur, il entame de façon autonome des récits qu’il ne prend pas le temps d’achever, en quête d’une totalité irréalisable. Chaque fois, le livre s’aperçoit qu’en nommant les choses il les détruit et doit repartir à la recherche d’une autre réalité. Sa folle cavale nous emporte dans de nombreux pays, réels ou imaginaires, dans diverses époques, dans des langues différentes, car le livre n’est jamais rassasié. Ses récits empruntent leurs univers au western, au roman noir, au Talmud ou au Coran, aux poèmes de Michaux ou au roman de Cervantès, à Borges ou à Rabelais…
Voyage entre les mondes, Le Livre de la faim et de la soif embrasse ce XXIe siècle débutant de colères et de tremblements. Il s’agit, pour Camille de Toledo, d’allier dans une fiction labyrinthique la pensée et le rêve, la philosophie et la poésie, de fondre tous les possibles dans une narration sans limites. Une aventure littéraire exceptionnelle, vibrant à chaque page d’une joie d’inventer et d’une vitalité impressionnantes.
LE LIVRE DE LA FAIM ET DE LA SOIF, LA PRESSE EN PARLE
Le Livre de la faim et de la soif… C’est le titre d’un roman labyrinthique paru chez Gallimard. Où l’on part sur les traces d’un livre, de son dactylographe et de son lecteur. Penser le texte, la langue comme une arme politique sans éluder la question de la forme, c’est le projet depuis longtemps de son auteur, Camille de Toledo.
Olivia Gesbert, La Grande table – France culture, février 2017
Car dès ses premières pages, sans attendre, Le Livre de la Faim et de la Soif met en scène et littéralement en œuvre un Après de la littérature où lorsque toutes les pages ont été écrites, surgissent deux personnages, jetés sur les routes éberluées du monde, le Livre et son sténographe, deux personnages comme deux hommes jetés dans le monde des hommes qui, comme personnages, qui opèrent une traversée du Sens, deviennent des puissances dantesques, comme un redessin de La Divine Comédie où le Livre voyage dans le monde pour savoir s’il lui est possible non pas uniquement de revenir mais d’être : « Le Livre voulait un corps » est-il dit. […]
De fait, Camille de Toledo écrit avec constance et ardente patience le grand contre-livre de la littérature contemporaine, ce livre aperçu par Pierre Michon au seuil de Corps du roi à propos de Flaubert, ce grand livre négatif qui aurait à charge de rédimer toutes les morts, d’œuvrer à oublier les morts, de repaver de sens les feuillets disjoints et épars du monde.
Johan Faerber, Diacritik, février 2017
EXTRAIT DU LIVRE DE LA FAIM ET DE LA SOIF, p. 69
Je sens que le livre a peur comme les tigres de l’Inde, les jaguars du Surinam, peur comme cet homme qui marche vers sa mort, à l’entrée de la Vallée des Tourments, en suivant ses propres pas. Car il sait, pressent que quelque chose va se produire, est en train de se produire, qui marque la fin d’une certaine forme du monde, empli d’objets, de pesanteurs, d’étagères, de magasins d’étagères. Il pressent la fin des reliures, des plissures, des tranches, des rotatives, des ouvriers du livre, la fin de toutes les choses associées à l’épaisseur, à la pesanteur, à l’usage séculaire qui conduisait, dans toutes les langues, à vouloir préserver quelque chose de la mémoire entre deux couvertures, dans des tours, des rayonnages, des caves bien isolées de l’eau. Le livre, déjà, a enterré beaucoup de ses camarades. « Combien d’ouvriers imprimeurs ont fait faillite au cours du dernier siècle ? » demande-t-il. Le livre pourrait se croire éternel, ou à l’agonie, mais dans sa peur, il fait preuve de sagesse. Ne conclut pas. Il dit qu’il ignore quand se terminera la guerre et si guerre il y a. Et la paix, aussi, l’accable. Combien, à ce jour, le livre a-t-il pleuré de morts, écrivains, poètes, décédés, oubliés ? Un cortège impressionnant. C’est incalculable. La base de données de toutes les bibliothèques n’y suffirait pas. Le livre se replie dans son sommeil. Il rêve d’un manuscrit, le sien, avec des ratures, des taches de café, et il voit que ce temps-là n’est plus. S’il existe encore quelques fanatiques de la main, qui laisseront derrière eux des trésors – ô manuscrits, uniques objets d’adoration dans une ère où tout sera reproduit -, tout tend inexorablement à détruire la matière, la feuille et les doigts qui la caressent.
Samedi 22 AVRIL à 17h
Rencontre avec l’écrivain EMMANUELLE PAGANO,
autour de son nouveau rÉCIT,
SAUFS RIVERAINS, TRILOGIE DES RIVES II, P.O.L, 2017
Conversation-lecture-débat
Entrée libre et gratuite
Emmanuelle Pagano est née en 1969. Agrégée d’arts plastiques, elle vit et travaille en Ardèche. Elle est l’auteure d’une douzaine de romans, récits, nouvelles, majoritairement parus chez P.O.L, et de textes variés parus dans des revues et ouvrages collectifs. Ses livres sont traduits dans une dizaine de langues. Elle a été pensionnaire à la Villa Médicis (en 2013-2014). Son avant-dernier roman, Lignes & Fils, est paru en janvier 2015 ; c’est le premier volume de la Trilogie des rives, qui interroge la relation de l’eau et de l’homme, du naturel et du bâti, la violence des flux et celle des rives qui les contraignent.. Emmanuelle Pagano est en résidence à La Maison du Banquet en 2017.
QUELQUES OUVRAGES RÉCENTS D’EMMANUELLE PAGANO
Romans, récits, nouvelles…
Les Adolescents troglodytes, P.O.L, 2007, roman
Les Mains gamines, P.O.L, 2008, roman
L’Absence d’oiseaux d’eau, P.O.L, 2010, roman
Nouons-nous, P.O.L, 2013, roman
Lignes & Fils, La Trilogie des rives I, P.O.L, 2015
Saufs riverains, La Trilogie des rives II, P.O.L, 2017
À PROPOS DE SAUFS RIVERAINS
Saufs Riverains est la deuxième partie, après Ligne & Fils, d’une « Trilogie des rives ».
« Je m’appelle Emmanuelle Salasc. Je suis née à Rodez, Aveyron, le 15 septembre 1969, quelques minutes avant ma sœur, de Norbert Salasc, originaire d’Octon, tout près de la rivière Salagou, département de l’Hérault, et de Monique Virenque, originaire de Boussinesq, commune d’Alrance, tout près de la rivière Alrance, sur le Lévézou, département de l’Aveyron. Entre ces deux territoires familiaux, il y a le pas de l’Escalette et le plateau du Larzac. »
En huit étapes, de la préhistoire à nos jours, le roman descend à la fois les rivières et le cours de l’Histoire ; aux destins des différents personnages se mêlent les souvenirs d’enfance et le travail de recherche de la narratrice.
Comme dans le premier volume de la trilogie, Emmanuelle Pagano a le souci de mettre en mots, pour mémoire, ce qui disparaît ou va disparaître, avec cette différence que ce récit inclut des éléments autobiographiques.
SAUFS RIVERAINS, LA PRESSE EN PARLE
Chaque destin est raconté au futur, comme si c’était le big-bang qui parlait, annonçant ses promesses de monde à venir, étalant sa certitude que la vie se prolongera, quoi qu’il arrive. Plus Emmanuelle Pagano se rapproche chronologiquement de ses contemporains, plus son écriture est chaleureuse et vibrante, antipsychanalytique à souhait. Elle perce la croûte terrestre pour creuser en son for intérieur. C’est une forme de pudeur et de sagesse toute particulière, qui infiltre et anime ce roman énigmatique. Comme l’eau qui suinte en silence de la roche, et nourrit doucement l’environnement. Télérama – 2 janvier 2017 – Marine Landrot
Chez Emmanuelle Pagano, les paysages surgissent tels des sentiments, les arbres se font généalogiques, le grand air ne manque pas : tout devient clair comme de l’eau de roche. Il suffit de pister les indices fragmentaires et les révélations disséminées, plutôt que d’attendre que la vérité nous tombe toute cuite dans le bec.
[…] Née en même temps qu’une retenue d’eau, la romancière maîtrise les émotions et le tempo de chacune de ses phrases, bâties avec la vie des autres même quand il s’agit de la sienne. Il faut se plonger dans cet immense poème en prose qui ne dit pas son nom. Son auteure écrit en modeste sourcière croulant sous les témoignages oraux, les archives, les souvenirs et les cartes topographiques où grouillent des courbes de niveau hypnotiques. Tout en laissant échapper sa recette démiurgique : « Regarder, c’est déjà transformer. » La Croix – 26 janvier 2017 – Antoine Perraud
EXTRAIT DE SAUFS RIVERAINS, p. 295 à 297
Il aurait fallu mener une autre lutte encore, une guerre du paysage, pour défendre les matières et les couleurs, celles des pierres et des pelouses si riches des causses. Toutes ces couleurs des fleurs dont je ne connais encore le nom, l’armérie de Girard, la pulsatille de Coste, l’hépatique trilobée, et le délicat oursin bleu, miracle annuel permis par le passage des troupeaux. Il aurait fallu résister au fouillis visuel de la vitesse qui nous empêchera de détailler tous ces pétales plus ou moins bleutés que la longueur de la route nous permet de pouvoir encore regarder, parce que cette route, on ne peut pas la faire d’un coup, parce qu’il y a des pauses et des pique-niques, des semi-contemplations desquels je m’ébroue difficilement quand il est le moment de repartir.
Les luttes du Larzac auront permis, un temps, la sauvegarde d’un certain silence, c’est à dire un minimum de bruit. Les paysans, depuis très longtemps, ont posé un seuil sonore sur le causse, au-dessus duquel tout résonne. Même l’air, agacé par l’altitude, semble retentir. Les sabots des bêtes et leurs sonnailles épiphaniques, amplifiés par le calcaire des sols, agrandissent le silence lorsqu’elle sont parties, lorsqu’elles sont passées. On peut entendre de très loin les sons feutrés du travail des hommes, jusqu’à ce que les basses des vents, qui sont là-haut chez eux, envahissent tout l’espace, et, anecdotiquement, me secouent de ma torpeur nauséeuse lorsque enfin le pas de l’Escalette passé, je claque la portière au premier arrêt pipi.
Les cent trois paysans, principalement des éleveurs, sont des gardiens de paysage. Mais cette guerre de l’horizon, cette guerre des vents, cette guerre des drailles et capitelles, des devèzes et du silence, bientôt gagnée contre la militarisation des sols, très vite perdue face à l’infrastructure routière, n’est qu’une bataille de rien devant l’industrialisation de l’alimentation.
Les expropriations du Larzac ne sont pas un phénomène isolé, mais plutôt un exemple brutal et spectaculaire de ce qui se passe depuis le milieu du siècle, inexorablement et en douceur, sans l’aide des militaires : la déprise agricole. Cette déprise ne cessera plus jamais, s’accélérant jusqu’à la quasi-disparition du monde paysan traditionnel, jusqu’à ce que l’obscurité domine.
La désertification de l’Occitanie paysanne, la disparition de la langue et de ses gestes, l’envahissement de sa végétation, jadis raclée par les bêtes, la perte de lumière qu’elle engendre, sont inéluctables.
L’asphodèle s’est implantée sur le Larzac, où elle n’existait pas il y a cinquante ans. Elle rejoint le buis et le genêt, adversaires sans pitié du labeur des hommes. La nature, sur les causses comme sur le Lévézou, comme dans la vallée, est de moins en moins travaillée. Cette nature laissée à elle-même, associée aux plantations mondialisées et à leurs débordements, est le pire ennemi des paysages patrimoniaux. Les devèzes même, ces vagues d’herbes, dont le nom vient de défends, qui ne veut pas dire se défendre mais n’être pas cultivées, ces terres en attente, même ces terres disparaîtront, d’avoir trop attendu, attendu d’être reprises par les mains des hommes et les griffes de leurs machines. Elles se fermeront, englouties par l’ombre et les routes.
Certains se consoleront en disant que la déprise agricole aura permis le retour du sauvage, essentiellement le sauvage sylvestre, ours, loup, lynx.
Samedi 13 mai à 17h
Rencontre avec l’écrivain Gaëlle Obiégly,
autour de n’être personne, Verticales, 2017
Gaëlle Obiégly est née en 1971 à Chartres. Elle a fait des études d’art puis de russe. Son écriture tient de la poésie, du théâtre et du roman, faisant la part belle aux voix (de filles, de femmes, de valets, de bonnes, d’ouvriers, de bourgeois, d’amants…). Chaque prise de parole crée la surprise, dessine un espace nouveau, réjouit ou fait surgir une douleur ou un remords qu’on ne connaissait pas. Ce sont des installations textuelles qui nous plongent au cœur de la littérature, qui nous la font toucher du doigt. C’est très beau et plein d’humour. Elle collabore occasionnellement à des revues, notamment L’Impossible et Chroniques purple. Gaëlle Obiégly a été pensionnaire à la villa Médicis en 2014-2015.
Quelques ouvrages de Gaëlle Obiégly
Elle a publié dans la collection L’Arpenteur cinq romans dont Gens de Beauce (2003), Faune (2005), La Nature (2007). Elle est également l’auteur de Petit éloge de la jalousie (Folio, 2008). En 2011, elle a rejoint les éditions Verticales avec Le Musée des valeurs sentimentales, avant d’y publier deux ans plus tard Mon prochain et en 2017, n’être personne.
À PROPOS DE N’ÊTRE PERSONNE
« Je m’utilise comme si j’étais un instrument. De toute façon, je suis une toute petite partie d’un être immense et souvent je dis des conneries. C’est pour ça que je cherche à n’être personne. Ça me permet d’en dire moins. Ou plus, mais sans craindre pour ma réputation. »
Hôtesse d’accueil accidentellement enfermée un week-end entier dans les wc de son entreprise, la narratrice de N’être personne va endurer cette épreuve avec les moyens du bord (de la sagesse, du papier hygiénique, un stylo bic) en improvisant un cabinet d’écriture. Au gré de remémorations, apparemment chaotiques, elle se trouve peu à peu traversée par tous les âges de la vie.
N’ÊTRE PERSONNE, LA PRESSE EN PARLE
Gaëlle Obiégly ne donne pas de leçon, elle est au monde, tout entière à ce qu’elle fait, même enfermée dans une boîte en faïence. Capable de rire et de nous plier en deux, quand elle fait le poirier dans sa cellule, ou qu’elle accuse son chéri de ne pas être un vrai communiste parce qu’il l’engueule d’avoir perdu les clés de la voiture. Capable de transformer ses échecs en triomphes, de pleurer l’absurdité de l’absence des défunts. Et surtout, extralucide sur son travail d’écriture dont le seul dessein est de « saisir des poissons et les rendre au flux qui les garde vifs ».
Grande est l’envie de citer tous les aphorismes qui jaillissent de son texte si personnel. Il faut le lire avec un crayon, pour souligner chaque signe qu’elle envoie, et les garder au chaud en soi. Riche et précieux, n’être personne est un livre qui permet d’être quelqu’un.
Marine Landrot , Télérama, janvier 2017
Gaëlle Obiégly occupe avec passion la plus modeste des positions, et c’est ce qui se rejoue de façon plus évidente encore dans n’être personne – cette position de retrait est la seule où laisser s’exprimer l’orgueil du poète, celui de rappeler l’individu à l’ordre du vivant, non plus de l’économie ou de la communication. « Dans ce livre, il est parfois question d’engagement politique, mais ce qui m’intéresse finalement dans l’engagement, c’est l’éthique de la parole. Le dire vrai. Je crois qu’il est tout aussi important que l’engagement politique concret », assure-t-elle avec un sérieux d’enfant qui veut disparaître aux obligations sociales pour « créer le monde plutôt que s’y raccorder » à tout prix.
Bertrand Leclair, Le Monde des livres, février 2017
EXTRAIT DE N’ÊTRE PERSONNE, p. 245-246
J’ai pris des pousses de misère dans la rue, je ne sais plus quand c’était. Il me semble qu’elles ont drôlement grandi depuis que je les ai repiquées. Devant une boutique désaffectée, il y avait la misère qui proliférait. Avec mon couteau de poche, ç’a été proprement fait. Dans les coins laids, c’est là qu’on trouve des belles boutures. Les banlieues offrent des friches. Je n’aime pas beaucoup y pénétrer, à cause des rats. Il doit y en avoir pas mal qui vivent là-dedans. Comme de toutes façons, j’ai entrepris une quête, il faut la poursuivre sur tous les terrains. Il s’agit de trouver une beauté nouvelle dans un monde qui est celui du néant. Il m’arrive aussi de semer des graines, mais c’est rare. Ça crève tout de suite, malheureusement. Je suis meilleure pour le bouturage. D’ordinaire, il faut faire ça, du moins pour les herbacées qui m’intéressent, vers le 28 août. Mais j’opère à toute date. On préconise l’utilisation d’un substrat dosé, moi je procède autrement. Je prends de la terre dans des pots qui traînent où des plantes ont crevé. Il y en a d’abandonnés dans pas mal de rues, surtout dans les beaux quartiers. Cette terre de l’échec me réussit bien. Je lui ajoute du terreau humide. On mélange bien. On introduit la tige. Arrosage, bien sûr. Mais attention, il ne faut pas inonder la surface. Je connais mon affaire. D’instinct. Je fais comme si c’était pour moi. Donc je cherche l’endroit le plus lumineux. Quand je dépéris, je consulte mon guide des plantes grasses et je suis le traitement à la lettre.
Un 29 mai, j’ai marché jusqu’au jardin botanique de Rome. C’était ouvert. Je le précise parce que les jours précédents, ce n’était pas le cas. J’étais arrivée au but de ma promenade après l’heure de fermeture. Je n’avais pas eu l’idée de vérifier les horaires. À la troisième tentative, j’ai pu entrer. La partie des bambous et le jardin japonais, ça ne m’a pas plu. J’aime un talus d’herbe auprès d’une cascade, c’est ce que j’ai regardé le plus longtemps. Il y avait aussi un banc en retrait qui donne sur une façade que m’avait montrée, en hiver, un philosophe avec qui j’avais fait une super promenade. Il y avait les oiseaux verts, des perroquets dont il m’avait parlé, ce philosophe, au cours d’une causerie balaise. Alors, j’ai cru, quand j’ai vu les oiseaux verts conformes à sa description, j’ai cru qu’il allait apparaître, lui. Qu’il en était plus que l’auteur, le créateur. Quelqu’un avait oublié sur le banc un sac en plastique plein de fruits. Des pommes – et une orange, ce fruit délicieux que je n’aime pas. Des moments comme ça nous feraient oublier le désespoir. Le maquillage c’est le contraire, il nous y pousse. Mais moi, l’artifice et le désespoir sont mes engrais.
Samedi 24 juin à 17h
Rencontre avec l’écrivain Éric Vuillard
autour de son nouveau récit
L’Ordre du jour, Actes Sud, mai 2017
Conversation-lecture-débat
Entrée libre et gratuite
Éric Vuillard, né en 1968 à Lyon, est écrivain et cinéaste. Il a réalisé deux films, L’Homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de Conquistadors (Léo Scheer, 2009, Babel n°1330), récompensé par le Grand prix littéraire du Web – mention spéciale du jury 2009 et le prix Ignatius J. Reilly 2010. Il a reçu le prix Franz-Hessel 2012 et le prix Valery-Larbaud 2013 pour deux récits publiés chez Actes Sud, La Bataille d’Occident et Congo ainsi que le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre et le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet.
À propos de L’Ordre du jour
L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss par l’auteur de Tristesse de la terre et de 14 juillet.
Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants. E.V.
L’Ordre du jour, la presse en parle
Éric Vuillard a choisi de représenter ce moment pivot dans un texte bref et tendu où il interroge en creux le rôle de l’écrivain à représenter et penser le réel passé. Avec 14 Juillet, il avait mis en roman la prise de la Bastille, proposant de « raconter ce qui n’est pas écrit » ; ici il campe des scènes fondatrices et la mécanique politique autant que psychologique portée par Hitler, montrant l’enchaînement qui a mené à la dictature nazie.
« Les ombres pénètrent dans le grand vestibule du palais présidentiel de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants. » Ils s’appellent Krupp, von Schnitzler, von Opel, ils dirigent BASF, Bayer, Siemens, Allianz, Telefunken… Ils s’apprêtent à financer le nazisme. Aujourd’hui encore, « notre quotidien est le leur. Ils nous soignent, nous vêtent, nous éclairent (…). Ces noms existent encore. Leurs fortunes sont immenses. » Sabine Audrerie, La Croix, mai 2017
Rien, décidément, ne lui échappe de «l’aspect poisseux des combinaisons et de l’imposture» qui font l’Histoire. Il le révèle en lui opposant un sens très pictural du cadrage, qui zoome au plus près des choses avant de soudain reculer de quinze pas, pour en faire voir tous les enjeux dans un impeccable plan panoramique. Cet écrivain-là est un miniaturiste doublé d’un moraliste.
Avec une précision terrifiante, qui signe la revanche de la littérature sur le reste, son « Ordre du jour » s’ouvre sur les vingt-quatre prédateurs en costume, «le nirvana de l’industrie et de la finance», qui sont passés «à la caisse» pour aider Hitler dès 1933…
Tant pis pour ceux qui voudraient exonérer nos glorieuses institutions de leurs crimes passés: Vuillard est un maître démystificateur, qui ne laisse rien dormir dans l’ombre. Sa seule politesse, il la garde pour la langue française, qu’il sert avec une ironie décapante et une grâce comme on n’en lit pas si souvent. Grégoire Leménager, Bibliobs, mai 2017
Extrait de L’Ordre du jour, p. 70, 71
Rien de pire que ces foules amères, ces milices avec leurs brassards, leurs insignes militaires, une jeunesse prise dans de faux dilemmes, dilapidant ses emportements dans une épouvantable aventure. À ce moment, Schuschnigg, le petit dictateur autrichien, joue sa dernière carte. Oh, il devait bien savoir pourtant que, dans toute partie, il existe un stade critique au delà duquel il devient possible de se refaire ; on n’a plus qu’à regarder l’adversaire abattre à poignées ses cartes maîtresses et récolter les plis : les dames, les rois, tout ce qu’on a pas su jouer à temps et qu’on a fébrilement gardé en main dans l’espoir de ne pas le perdre. Car Schuschnigg n’est rien. Il ne porte rien, il n’est l’ami de rien, il n’est l’espoir de rien. Il a même tous les défauts, Schuschnigg, l’arrogance de l’aristocratie et des conceptions absolument rétrogrades. Qui s’est mis à la tête, huit ans auparavant, d’un groupe de jeunesses catholiques paramilitaires, qui a dansé sur le cadavre de la liberté ne peut pas espérer qu’elle vole soudain à son secours ! Nul rayon de soleil ne traversera brusquement sa nuit, nul sourire ne viendra éclore sur la face du spectre afin de l’encourager à accompagner son dernier devoir. Aucune parole de marbre ne sortira de sa bouche, pas une particule de grâce, pas un postillon de lumière, rien. Sa face ne s’inondera pas de larmes. Ce n’est qu’un joueur de cartes, Schuschnigg, un piètre calculateur ; il a même semblé croire à la sincérité de son voisin allemand, à la loyauté des accords qu’on venait pourtant de lui extorquer. Il s’effarouche un peu tard ; il invoque les déesses qu’il a bafouées, il revendique des engagements ridicules pour une indépendances déjà morte. Il n’a pas voulu voir la vérité en face. Mais, à présent, la voici qui vient à lui, tout près, horrible, inévitable. Et elle lui crache au visage le secret douloureux de ses compromis. Alors, dans un dernier geste de noyé, il va chercher l’appui des syndicats et du parti social-démocrate, pourtant interdits depuis quatre ans.
Samedi 28 octobre à 17 h
Rencontre de librairie
avec Mika Biermann
Roi.
Anacharsis, octobre 2017
entrée libre et gratuite
Mika Biermann est né (en 1959) en Allemagne. Après ses études à l’université des Beaux-Arts à Berlin, il s’est installé à Marseille, où il exerce la profession de conférencier-guide de musée.
Ses ouvrages, écrits directement en français, sont publiés chez P.O.L et Anacharsis.
Il a aussi traduit, pour un éditeur autrichien, les Chroniques taurines de Jacques Durand (de Fallois, 2003).
Quelques romans de Mika Biermann
Un Blanc (Anacharsis, 2013)
Palais à volonté (P.O.L., 2014)
Mikki et le village miniature (P.O.L., 2015).
Booming (Anacharsis, 2015)
Sangs (P.O.L., 2017)
Roi. est son septième roman.
Roi. , PRÉSENTATION DE L’ÉDITEUR
Beau comme l’antique. Turpidum, la bien nommée, est la dernière cité étrusque indépendante. Larth, son roi à peine sevré, se sent un peu perdu dans son décorum fatigué. Sous le ciel bleu indifférent, la peinture des fresques s’écaille en silence, la populace s’affaire par les ruelles au sol gras.
On prépare le sable pour les jeux dans l’arène. Rome exige l’abdication du petit roi maigrichon, amateur de fruits juteux et bien arrondis. Un énigmatique gladiateur masqué fait son apparition par intervalles. La reine mère agonise au fond de son palais, pourrissant comme une gloire inutile.
Matière et lumière, soleil et pénombre. Des couleurs par giclées, écrasées à la spatule. Du laurier, un cyprès, une olive, les mollets luisants des légionnaires. Un péplum rococo, total, révolutionné, le Satyricon de Mika Biermann.
ON EN PARLE
« Choses vues, entendues, humées. Poids des corps, des parures, du temps. Odeur des galettes, des sueurs, des rêves. Etirement des membres, coups donnés et coups reçus. Pensées fluides, vaporeuses, poreuses. Colères, haleines, pulpes, prières, ripailles : non pas simplement les convoquer mais dire de quoi elles sont faites, si elles sont liquides, brûlantes, fluides, rêches, amères. Biermann s’avance en conteur mais opère en peintre. Il agite la toge, certes, mais c’est pour que ce taureau de lecteur entende, dans chaque grain de l’arène, le sang ; voie, dans chaque divinité de plomb, le dieu-acrotère ; goûte le miel gaulois et le poivre de Syrie ; soulève « le drap troué de la nuit ».
On associe souvent péplum et kitsch, comme si l’antique n’était que toc. Comme s’il suffisait de changer un nuage en cumulus pour que le Romain passe en italique. Mais gageons que, comparés à Roi., nombre de romans de la rentrée, à l’heure de la parade, seront tout juste bons à décorer l’atrium des librairies et jouer les pleureuses crétoises. »
« Du chiendent dans le ravin », Claro, Le Monde des Livres, 20 septembre 2017
« Laissant ses personnages truculents osciller librement entre une quête pirandellienne d’auteur et de sens et une transformation des clichés (intertitres inclus) à la Quentin Tarantino, l’auteur nous offre une construction bizarrement débridée qui d’ambassade en jeux et de bataille en temps de Rome, lui permet en épilogue de saisir philosophiquement et fort parodiquement l’instinct trompeur du carpe diem face à l’emballement de l’Histoire et de ses périls. Et c’est ainsi que l’humour rusé de Mika Biermann fait à nouveau merveille. »
Charybde 27, Le blog, 5 octobre 2017
EXTRAIT DE Roi., P. 79-80
Les arènes se remplissent d’hommes et de femmes. Même la plèbe du virage nord s’est passé un coup de torchon sur la figure. On connaît ses voisins. On échange des nouvelles, aborde les naissances, passe sur les maladies, vante les affaires. Voici ma fille. Comme le petit a grandi ! Vous connaissez ma femme. J’habite à côté des thermes. Ce sont des coliques matinales. Quelle nuisance, ces chiens. Notre mère a fait des galettes de sarrasin. Elle ne passera pas l’hiver. C’est déjà l’automne. Ce fromage est plein d’asticots. T’as mis ta tunique à l’envers. Trois esclaves pour le prix de deux. Ce soir à la maison pour des grillades. Hiver trop doux, printemps en courroux. Maman, j’ai soif. On fait étinceler là une bague au doigt, ici une toge aux reflets d’or. Les hommes gesticulent debout, les femmes rigolent assises. Les vendeurs de légumes salés, de poisson séché, d’amandes grillées, d’eau mielleuse, d’eau vinaigrée, suent déjà. Les éventails se lèvent comme le vent du désert. Dans le sable ratissé du rond s’impriment les empreintes des pieds nus des esclaves en train de répandre de l’eau sur la piste. Le ciel est une pastille bleue au centre des vélas roses qui gonflent doucement dans la brise du matin. Des matrones cherchent leur famille, des hommes d’affaires leurs collègues, des pisseurs un coin sombre. Les murmures enflent. Des garçons aux biceps durs reluquent des filles aux cheveux brillants. Des toges font des plis. Des tuniques montent sur les cuisses. Les yeux brillent. Les gradins grincent. La loge du roi est vide ; un esclave y pose des coussins violets ; un autre inspecte le contenu de quelques jarres posées à l’ombre.
Un farceur fait rire autour de lui.
C’est jour de fête.
Même l’ours au sous-sol a compris. Au petit matin, il s’est arraché à sa léthargie, s’est peigné avec ses griffes et a fait quelques exercices d’assouplissement. Au lieu de gronder il a hoché la tête quand un seau d’eau a chassé ses crottes. Accoudé à la grille, il attend patiemment son tour et se lèche les babines.
Samedi 16 décembre à 17 h
Rencontre avec Yves Ravey
autour de son nouveau roman
Trois jours chez ma tante, Minuit, 2017
et de son œuvre.
dans la Boulangerie des moines
entrée libre et gratuite.
Yves Ravey, né en 1953 à Besançon, est l’auteur de nombreux romans, tous édités aux Editions de Minuit, et de plusieurs pièces de théâtre. L’atmosphère de ses romans, où la banalité du quotidien est peu à peu envahie par une sourde angoisse, l’a fait comparer à Simenon.
Les derniers romans d’Yves Ravey
Bambi bar, Les Éditions de Minuit, 2008
Cutter, Les Éditions de Minuit, 2009
Enlèvement avec rançon, Les Éditions de Minuit, 2010
Un notaire peu ordinaire, Les Éditions de Minuit, 2013
La Fille de mon meilleur ami, Les Éditions de Minuit, 2014 Sans état d’âme, Les Éditions de Minuit, 2015
Présentation de l’éditeur
Après vingt ans d’absence, Marcello Martini est convoqué par sa tante, une vieille dame fortunée qui finit ses jours dans une maison de retraite médicalisée, en ayant gardé toute sa tête.
Elle lui fait savoir qu’elle met fin à son virement mensuel et envisage de le déshériter. Une discussion s’engage entre eux et ça démarre très fort.
On en parle
Yves Ravey inscrit la plupart de ses romans à la lisière entre le polar et la parodie. Mais cela n’empêche pas son écriture limpide de créer une atmosphère étouffante, inquiétante. Ni ses phrases courtes, droites, de dessiner une intrigue complexe, à tiroirs, entre un » pensionnat » du comté de Grand Bassa (mention spéciale au personnage d’Honorable, qui le tient) et un bourgeois appartement lyonnais, entre une histoire de délation sous l’Occupation et une autre, contemporaine.
Raphaëlle Leyris, Le Monde des livres, 27 octobre 2017
Yves Ravey déploie son roman avec lenteur, s’attardant sur les petits détails anodins : les yeux verts de l’auxiliaire de vie, un tube de rouge à lèvres en équilibre sur une tablette, les hortensias desséchés du parc de la maison de retraite, « une paire de lunettes de soleil disposée dans son étui, sur la couverture, à côté d’un journal »…
Ces détails ne font pas avancer l’intrigue. Ils posent un décor, une ambiance. Yves Ravey est un champion olympique. D’un rien, il vous fait plonger dans une atmosphère pesante, oppressante, faisant monter peu à peu le suspense, et vous faisant transpirer à la simple évocation d’une « plume crissant sur le papier ».
Laurence Houot, Culturebox, France-info, 11 septembre 2017
Extrait de Trois jours chez ma tante, chapitre 22, p. 122-123.
Pause de quelques minutes dans la cuisine, entre deux passages parmi les rayons des bibliothèques. Le réfrigérateur était débranché, la paroi intérieure légèrement altérée par une pellicule de moisissure. J’ai remis le courant et rempli le bac à glaçons pour terminer la bouteille d’alcool dans de meilleures conditions, avant de brûler ma précieuse enveloppe kraft et son contenu papier dans le cendrier en marbre. J’ai allumé un grand feu avec mon briquet jetable. Debout devant le foyer, l’image de ma mère est apparue parmi les flammes. J’ai souhaité qu’elle repose en paix cette fois, tandis que se consumaient, voletant sous forme de papillons noirs, les dernières preuves de ma culpabilité. J’ai ensuite jeté la paire de ciseaux et le petit tube de colle, ainsi que les gants de chirurgien dans un bac à ordures de l’arrière-cour, au rez-de-chaussée, saluant de loin la concierge par la même occasion.
Sachant que la nuit serait longue, j’ai repris mon inspection des livres dans la bibliothèque suivante, avant le dîner au KFC, projetant le choix du menu 100% poulet, sauce barbecue, car j’avais faim.
Parvenu au troisième rayon de la chambre verte, une enveloppe contenant des billets de banque est tombée d’un des livres de philosophie. J’ai plié les coupures en les rangeant dans la poche intérieure de ma veste, pensant à la tentative de Lydia : persuader ma tante de lever des fonds à mon avantage, songeant aux efforts qu’elle aurait à fournir pour la convaincre. Les rendre à ma tante produirait le meilleur effet.
Autres événements 2017
samedi 7 et dimanche 8 octobre
Festival de BD de Lagrasse
– Samedi 7 octobre 14 h 30 : L’archéologie et la rigueur scientifique sont-elles compatibles avec la fiction ? L’exemple de la série « Arelate » – Le mariage entre fiction et réalité historique avec Alain Genot (archéologue Musée de l’Arles antique, scénariste de la série Arelate)
Vendredi 29, samedi 30 et dimanche 1er octobre
Bruits de pages
Journées de rencontres avec des romanciers, auteurs et critiques de la rentrée littéraire, organisées avec le Centre Joë Bousquet, Montolieu Village du Livre et la Bibliothèque départementale de l’Aude.
Montolieu Village du Livre, la Maison des Mémoires de Carcassonne, la Maison du Banquet et des générations de Lagrasse et la Bibliothèque départementale de l’Aude se sont réunis tout au long de l’année 2017 pour construire de nouvelles collaborations, et faire vivre le Pôle Livre du Département, dont ils sont les principaux acteurs.
Chacun dans nos actions, sur nos sites et dans nos réseaux de lecteurs, faisons vivre le livre et la lecture publique selon des axes différents, spécifiques. Nous souhaitons désormais, en organisant ensemble des manifestations, renforcer la communication et les échanges.
Nous avions participé, au cours des trois dernières années sous l’égide de la Drac, de la Région et du Département à un contrat Territoire/Lecture qui nous a permis d’entamer une première coordination de nos actions littéraires. Notre proposition est aujourd’hui de resserrer ces liens et d’inventer de nouveaux échanges originaux.
Chaque automne, nous organiserons une manifestation centrée sur la rentrée littéraire. Pendant trois jours, une série de rencontres et de tables rondes avec les écrivains de la rentrée (chaque structure invite des auteurs qui correspondent à la couleur littéraire qui lui correspond), des éditeurs, des libraires et des critiques littéraires.
Cette manifestation, en concentrant les rencontres sur trois jours, trois sites et plus (Librairies, Bibliothèques, Médiathèques…), sera l’occasion de mettre en place une importante communication globale et une circulation des actions et des idées, d’abord sur cet événement proprement dit, mais aussi sur le Pôle Livre et la politique de lecture publique du Département.
Le programme, de la maison du Banquet, à Lagrasse
Samedi 30 septembre à 11h, en terrasse du café de la Maison du Banquet, Abbaye
La rentrée littéraire, par Jean-Baptiste Harang
581 romans et recueils de littérature française et étrangère paraissent à l’occasion de cette rentrée littéraire. Jean-Baptiste Harang, l’un des plus pertinents critiques littéraires, nous présente les livres qu’il a distingués.
Jean-Baptiste Harang est écrivain, journaliste et critique littéraire. Il entre en 1978 à Libération avant d’y devenir critique littéraire de 1998 à 2007. Il travaille ensuite pour Le Magazine littéraire et commence en 1993 une carrière d’écrivain avec son premier roman Le Contraire du coton. Il a reçu en 2007 le prix du Livre Inter pour La Chambre de la Stella.
« Les critiques sont rarement au niveau des auteurs qu’ils défendent. Jean-Baptiste
Harang, journaliste à Libération, fait exception : son sixième roman, prix du Livre Inter 2006, vaut toute la prose qu’il admire. […] Il arpente les étages, dit ne pas avoir « la mémoire des souvenirs » mais démontre l’inverse en inventoriant ceux de l’enfance avec une rigueur d’huissier. Y figure notamment ce jour où il apprit que son père ne s’était pas toujours appelé Harang. Un jour étrange, opaque, qui justifie à lui seul cette remontée aux sources, ce retour tardif aux origines de la famille, puis à celles de la langue, puissante, lumineuse, cadencée. On songe à Rouaud, Michon, Bergounioux, qu’Harang a si souvent célébrés dans Libération. » Erwan Desplanques, Télérama, 2013
Dimanche 1er octobre à 16h, La Maison du Banquet, Abbaye
Rencontre avec Antoine Volodine
autour du dernier roman de Lutz Bassmann, Black Village, Verdier, août 2017
Antoine Volodine est né en 1949. Après des études de russe qui l’amènent au professorat
et à la traduction, il se consacre pleinement à l’écriture. Repoussant les frontières de la littérature, détournant ses codes, parasitant ses formes, imaginant des mondes et des voix d’une rare beauté, il signe une œuvre majeure où l’on perçoit les échos de la violence de Maldoror, de la voyance rimbaldienne, du rêve surréaliste et des utopies révolutionnaires. L’étonnante force de sidération de ses livres repose aussi sur une énigme, un secret qui semble sous-tendre toute son œuvre. Il a su créer un champ littéraire situé entre la fin des avant-gardes et le retour aux conventions classiques de la narration.
Lutz Bassmann appartient à un monde de fiction. Il est combattant et écrivain (il a participé à l’ouvrage collectif Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze). Le lieu où il poursuit son existence n’est pas précisément communiqué car, bien qu’il ne soit nulle part, il peut se trouver n’importe où sur la planète.
Lutz Bassmann, hétéronyme d’Antoine Volodine, nous plonge dans un monde de ténèbres post-apocalyptique et au temps suspendu. Sous sa plume, l’écrivain substitue le « paysage » à l’intrigue : la violence par la magie d’un verbe chamane se mue en épopée surréaliste. « Un moment, pour nous, cela pouvait représenter plusieurs minutes, ou quelques semaines, ou encore nettement plus. »
dans le cadre du
La littérature des musiques et des musiciens
samedi 9 et dimanche 10 septembre
La Maison du Banquet & des générations
accompagne
Les pages musicales de Lagrasse
Festival de musique de chambre – 3ème Édition
Musique, littérature et pensée ont tout à voir ensemble. La Maison du Banquet a donc souhaité, tout naturellement, s’associer à l’un des plus beaux rendez-vous de l’année à Lagrasse…
Samedi 9 septembre à 17 h, Place de la Halle, Lagrasse
Coraly Zahonero de la Comédie Française, lit lit Opus Posthume, in Voyage d’hiver de Jaume Cabré © Actes Sud 2017, nouvelle traduite du catalan par Edmond Raillard
Opus posthume est la première nouvelle de Voyages d’hiver, un recueil de l’écrivain barcelonais Jaume Cabré, paru en février 2017 aux éditions Actes Sud.
« Nous sommes à Vienne et Schubert est dans la salle… Delenda est Vienna ! Comme naguère Carthage, Vienne doit être détruite, et la brillante Mitteleuropa, sommet de la culture, va plonger dans les catacombes. Le romancier, in fine, ira s’incliner devant la tombe de Schubert, qui, artiste mélancolique, avait tout vu de la chute des corps et de cette Europe « couverte par les cendres » dont Treblinka sera le paradigme. » Albert Bensoussan, En Attendant Nadeau
Dimanche 10 septembre à 16 h, La Maison du Banquet, Abbaye
Rencontre avec Francis Wolff
Pourquoi la musique nous fait-elle danser ou pleurer ? Comment un art aussi abstrait peut-il avoir des effets aussi concrets ? D’où vient qu’elle peut transporter l’esprit ou mener les corps ? Et pourquoi est-elle le support presque indispensable de toute activité humaine : se marier, prier, cueillir le coton, appeler le troupeau, vendre des cosmétiques, aller à la guerre ou célébrer la paix ? Car partout où il y a des hommes, il y a de la musique. Quelque chose d’humain unit donc toutes les musiques du monde, du rap à l’opéra, de la symphonie au jazz, de la sonate à Kreutzer à la danse des canards. Mais quoi ? Les réponses à ces questions énigmatiques, nous les chercherons d’abord dans la simple définition de la musique comme « art des sons ». Il faut en tirer les conséquences… Et si le monde n’était que sonore ?
Francis Wolff est professeur émérite de philosophie à l’Ecole normale supérieure (Paris, rue d’Ulm). Il a publié grand nombre d’articles et d’ouvrages.
À Voix Haute
Samedi 29 juillet
La poésie espagnole de rêve et de combat,
avec Rafael et Vicente Pradal
18 h – Rencontre – La poésie des coplas flamencas, suivie d’un apéro-tapas
En terrasse du café du Banquet
« Les coplas sont là, comme le fruit de la grenade, belles, riches et savoureuses, certaines anecdotiques, d’autres plus métaphysiques ».
Vicente Pradal présente ici son livre 100 coplas flamencas, Sables, 2014, dans lequel il a réuni, traduit et présenté une centaine de ces poésies anonymes et populaires qui sont le cœur du flamenco andalou.
« Hasta que las canta el pueblo / las coplas no son / y cuando el pueblo las canta / ya nadie sabe el autor… Jusqu’à ce que le peuple les chante / les coplas ne sont pas des coplas / et quand le peuple les chante / on ne sait plus qui en est l’auteur… » Manuel Machado
21 h 30 – Concert – Mano a Mano, le Flamenco et les poètes
Cellier des moines de l’abbaye – entrée 5 €
Vicente Pradal confie la première partie de ce récital à son fils Rafael Pradal, brillant pianiste de Flamenco qui passe en revue le répertoire, de la profonde Soleá à la furieuse Bulería.
Puis vient le temps du duo où le père rejoint le fils pour chanter les grands poètes d’Espagne, Lorca, Macha- do, Hernández mais aussi les Latino-Américains Neruda, Borges ou Baldomero Fernández. Un rendez-vous avec l’hispanité profonde et colorée.