La sélection de mai et juin de la librairie Le nom de l’homme

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LA SÉLECTION DE MAI ET JUIN 2021

LITTÉRATURE FRANÇAISE

Aki Shimazaki, Semi, Actes Sud, mai 2021, 160 p., 15 €

Tetsuo et Fujiko Niré vivent en maison de retraite depuis que, quelques années auparavant, Fujiko a commencé à développer des symptômes de la maladie d’Alzheimer. Ils ont uni leurs destins il y a plus de quarante ans, par le biais d’un mariage arrangé, ont fondé une famille et ont vécu ensemble une vie tranquille.
Quand elle se réveille ce matin-là, Fujiko ne reconnaît pas son époux. D’abord en grand désarroi, Tetsuo entreprend finalement de reconquérir celle qui le prend désormais pour un étranger auquel elle se trouverait simplement fiancée.

« Jamais pourtant la romancière montréalaise n’avait si bien voyagé dans l’espace-temps qu’avec cette nouvelle histoire vertigineuse, deuxième volet de sa quatrième pentalogie(…) (commencée avec Suzuran). Le thème de l’amnésie semble taillé pour elle, tant est palpable sa jubilation à dérouler chaque phrase comme un aide-mémoire centré sur l’essentiel. » Télérama, 4 mai 2021

 

 

Zoé Derleyn, Debout dans l’eau, Le Rouergue, mai 2021, 144 p., 15.50 € 

Premier roman.

La narratrice, une enfant de onze ans, vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. Sa mère l’a abandonnée des années auparavant. C’est l’été dans cette vaste maison bordée d’un étang et d’un magnifique jardin. Le grand-père est en train de mourir dans une des chambres à l’étage, visité chaque jour par une infirmière. Cet homme autoritaire, distant, intimidant, est l’ombre manquante dans le jardin, espace de prédilection où sa petite-fille l’assistait dans ses occupations. Alors que la mort approche, autour de la fillette prennent place les différents protagonistes de ce lieu où la nature est souveraine : ses grands-parents bien sûr, les trois chiens, un jeune homme qui s’occupe des gros travaux, une baleine qui un jour a surgi dans l’étang. Elle rêve aussi d’un ailleurs qui pourrait être l’Alaska, la mer des Sargasses ou les Adirondacks.
Dans ce premier roman qui impressionne par sa sobriété et sa maîtrise, Zoé Derleyn interroge avec subtilité la manière dont se construit une filiation.

« « Je suis le meilleur espoir de l’équipe belge », affirme la petite héroïne. C’est aussi valable pour la primo-romancière qui lui a donné naissance. Une plume littéraire, agréable et délicate. L’imaginaire de l’enfance se mêle à l’éveil de l’adolescence. On y trouve de la poésie dans les plus infimes parcelles de la vie. »
Livres Hebdo, 3 mai 2021

 

Cédric Morgan, Les Sirènes du Pacifique, Mercure de France, avril 2021, 288 p., 20 €

À deux cents mètres du rivage, la troupe dispersée commença de plonger. Tête en avant, comme des cormorans. Un court instant les jambes s’agitaient hors de l’eau, puis les pieds offraient brièvement leur dessous clair, deux mouettes blanches qui s’ébrouent, avant de s’enfoncer et disparaître.Contempler de loin les allées et venues de leurs mamans au travail fascinait les fillettes. Yumi suivait des yeux les plongeuses qui refaisaient surface, une main brandissant, vertical, leur outil. Cette lame de fer terminée en crochet servait à attraper oursins et gastéropodes.

Yumi vit sur l’île Toshijima, au Japon. Sa mère est une ama. Cette activité consiste à plonger en apnée en eaux profondes pour recueillir ormeaux, huîtres et autres coquillages très prisés des Japonais. Dévolu aux femmes selon une tradition millénaire, ce métier dangereux leur confère une aura indéniable. Sur les traces de sa mère, Yumi veut donc devenir une amarespectée.

Bientôt, Yumi rencontre l’amour en la personne de Ryo, l’instituteur : le bonheur semble à sa portée. Hélas, la Seconde Guerre mondiale éclate, Ryo est mobilisé et disparaît… Yumi doit se résoudre au mariage arrangé avec Hajime.

À travers le destin de Yumi et son initiation au métier d’ama, Cédric Morgan propose aussi un tableau du Japon et de ses traumatismes : le départ des hommes à la guerre, la reddition humiliante, les non-dits autour des bombes atomiques, et l’entrée dans une certaine « modernité ».

« Maître du haïku au XVIIe siècle, Basho invitait à se limiter à la poésie. Pour dire les traumatismes qui ébranlèrent le Japon traditionnel au XXe siècle, Cédric Morgan a choisi de l’entendre. »
Le Monde des Livres, 30 avril 2021

 

Brigitte Fontaine, La vieille prodige, Le Tripode, mai 2021, 96 p., 13 €

Dans « sa carapace de confiserie à deux étages », petit nom qu’elle donne à son appartement au cœur de l’île Saint-Louis, à Paris, Brigitte Fontaine livre un texte aussi puissant que poétique sur la vieillesse et la sensation d’être confinée dans son propre corps. Lire La Vieille prodige,c’est plonger dans l’univers fantasque et dans l’intimité de cette artiste performeuse aux multiples facettes.

La vieille prodige chroniqué dans le journal La Montagne, 17 mai 2021

  

 

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE

 

Nicole Krauss, Être un homme, traduit de l’anglais par Paule Guivarch (États-Unis), Éditions de L’Olivier, mai 2021, 272 p., 22.50 €

 Ils vivent en Suisse, au Japon, à New York, Los Angeles ou Tel-Aviv. Ce sont des hommes et des femmes de tous âges qu’a priori rien ne rapproche. Et pourtant… Saisis à un moment décisif de leur parcours, les personnages d’Être un homme sont poussés à questionner le sens profond de leur existence. Pour certains, il s’agit de leur judéité. Pour d’autres, des liens familiaux, amoureux ou amicaux qui les unissent. Une aura de mystère les entoure, comme si une présence invisible les accompagnait. Dans ce recueil de nouvelles conçu avec l’ampleur d’un roman, Nicole Krauss fait mouche par la justesse et la poésie de son écriture. Elle tient une place à part dans le paysage littéraire américain et le prouve une fois de plus. Magistralement.

« Insolente, l’autrice de L’Histoire de l’amour, La Grande Maison et Forêt obscure l’a toujours été, mais d’une façon souterraine, minutieuse, endurante, avide de métamorphoses, dont elle observe les effets spectaculaires comme les mécanismes secrets. Toutes les nouvelles du recueil qui vient de paraître mettent en scène des transformations de vie, de soudaines expansions déclenchées par des décisions hardies, ou de lentes dérives provoquées par un destin imaginatif. »
Télérama, 11 mai 2021

 

Max Aub, Jusep Torres Campalans, adapté de l’espagnol par Alice et Pierre Gascar, traduction revue par Lise Belperron, Éditions Verticales, avril 2021, 320 p., 21 €

Qui est Jusep Torres Campalans, cet illustre méconnu méritant une si magistrale biographie ? Un peintre catalan ayant rejoint son ami Pablo Picasso sur la butte Montmartre à l’aube du XXe siècle, pionnier du cubisme, jalousé par Juan Gris mais fort apprécié d’Apollinaire et de Mondrian. Conjuguant anarchisme et foi catholique, il a mis fin à sa carrière de peintre en 1914, les origines allemandes de sa compagne précipitant son exil au Chiapas (Mexique) où il va cultiver un art de vivre hédonique auprès des Chamulas. C’est là que Max Aub aurait rencontré ce personnage légendaire, un être propice à la fiction. Et pour cause, puisqu’il n’a jamais existé hors cette supercherie littéraire. 

Chronique dans En attendant Nadeau, 26 avril 2021

 

Joy Harjo, L’Aube américaine, traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié, Éditions du Globe, avril 2021, 220 p., 15 €

28 mai 1830. Le président Jackson signe la loi de déportation des peuples amérindiens. Cinq tribus de l’Est, dont les Cherokees et les Creeks, prennent la route de l’exil, qui sera appelée « la Piste des larmes ». Avant le départ certains sont forcés d’assister à l’intrusion dans leurs maisons de colons armés de Bibles et de fusils.

Parmi eux, l’ancêtre de Joy Harjo, Grand-père Monahwee, offre son portrait à l’un de ces gentlemen en le priant de le montrer à ses enfants et de leur raconter son histoire. Quant à moi, dit-il, je ne désire plus voir un seul visage blanc quand j’aurai franchi le Grand Fleuve et serai arrivé en Oklahoma.  Il vivra presque centenaire et tiendra parole.

Deux siècles plus tard, Joy Harjo décide de revenir sur ces terres par de vieilles pistes. Pour dire l’espérance sans taire la colère. Pour rendre justice à la souffrance sans négliger l’amour intact de la Nature et de tous ses habitants. Pour maintenir la mémoire vive sans entraver le repos des morts. Pour accomplir les rituels, pour réparer ce qui peut l’être, pour épargner aux enfants et petits-enfants les nœuds inextricables des regrets.

Pour célébrer, en poète, les noces du deuil et de la paix de l’âme, de l’horreur et de l’aurore américaines.

« L’autrice dit haut et fort la douleur des siens tout en plaidant pour un dépassement de la colère enracinée dans les cœurs depuis deux siècles. Le fil conducteur est un voyage de retour, de recours : longue marche vers l’Est, à contre-courant de la fameuse Piste des larmes que suivirent les tribus, contraintes manu militari de quitter leurs terres ancestrales et de s’installer sur l’autre rive du Mississippi. Au fil de ce poème-chant intense, tour à tour rageur et mélancolique, où la voix monte en puissance jusqu’au cri, puis se noue à la manière d’un déchirant talking blues, Joy Harjo chemine vers la patrie volée, dont la perte reste lancinante. »
Le Monde des Livres, 6 mai 2021

 

Gabriel Cabezón Cámara, Les aventures de China Iron, traduit de l’espagnol (Argentine) par Guillaume Contré, Éditions de l’Ogre, avril 2021, 256 p., 20 €

Après Pleines de Grâce, voici Les Aventures de Chine Iron, un texte rare, à la fois drôle, subversif, politique, littéraire et universel de l’autrice argentine Gabriela Cabezón Cámara ! 

Les Aventures de China Iron, c’est la relecture d’un classique de la littérature gaucho, Martín Fierro, le poème épique de José Hernandez.

C’est une épopée radieuse et lumineuse, où China Iron, la femme de Martín Fierro, et Liz, partent à la conquête d’une nouvelle manière de vivre ensemble, à rebours des mythes fondateurs de nos sociétés.

C’est un roman bouleversant sur la libération d’une femme, une merveilleuse histoire d’amour et d’aventures, un western queer et féministe.

C’est enfin un appel à fonder un monde libre où les créatures s’embrasseraient avec désir et jouiraient du même amour pour les rivières, les oiseaux et les arbres. Et elles ne se sentiraient plus jamais seules.

Article sur Diacritik, 10 mai 2021 

 

RÉÉDITION

 

Vassili Grossman, Années de guerre, préface de Mathias Énard, traduit de l’anglais et du russe par Catherine Astroff et Jacques Guiod,Autrement, mai 2021, 336 p., 22.90 €

 
Avant d’être l’auteur mondialement connu du chef-d’œuvre Vie et destin, Vassili Grossman a été lors de la Seconde Guerre mondiale correspondant de guerre pour Krasnaïa Zvezda, l’organe officiel des forces soviétiques, suivant l’Armée rouge au cœur des combats. L’agression nazie en 1941, l’arrivée des troupes russes à Treblinka, l’entrée dans Berlin en ruines, la capitulation en mai 1945 : l’auteur de Vie et destin a décrit tous ces événements, tirant de cette expérience quantité de récits à la lisière de la fiction et du reportage. Ce volume rassemble une partie de ces textes méconnus, hybrides, passionnants pour les liens qu’ils permettent d’établir entre documentaire et fiction. Années de guerre est en quelque sorte une version fragmentaire d’épisodes et de personnages que l’on retrouvera dans les romans Pour une juste cause et Vie et destin. C’est dans ces pages que prennent vie le soldat Gromov et son lance-roquette antichar ou les tireurs d’élite Tchékhov et Zaïtsev, d’autres encore, personnages héroïques et souffrants, figures vivantes devenues classiques de la littérature mondiale.
Constitué de récits héroïques, dramatiques ou glaçants, Années de guerre est tout autant un formidable recueil littéraire qu’un extraordinaire document pour l’histoire.

Article sur Vassili Grossman sur le site de France Culture

 

POLARS  

 

Franz Bartelt, Un Flic bien trop honnête, Seuil, mai 2021, 208 p., 17.90 €

Dans une petite ville de province, un assassin prolifique terrorise les arrêts de bus et les passages piétons : plus de quarante cadavres sont à déplorer. Quatre ans que l’inspecteur Gamelle, dépressif et fraîchement largué, ainsi que le bourrin, son adjoint cul-de-jatte, pataugent dans la semoule. Quatre ans que les astres refusent de s’aligner pour leur donner une piste. Sacré Saturne !

Bien loin de laisser tomber l’affaire, Gamelle sera amené à se poser les mauvaises questions, à se méfier des bonnes personnes et à suivre les idées saugrenues d’un aveugle particulièrement intrusif…

 « Ainsi que le début du livre l’indique au lecteur attentif, Bartelt a voulu rendre hommage aux Exercices de style du grand Raymond Queneau (…). Rien que des victimes qui n’ont aucun lien entre elles, surinées avec une baïonnette transformée en poignard, proprement, sans haine, d’une façon à la fois méthodique et « artistique ». » Livres Hebdo, 2 mai 2021

  

SCIENCE-FICTION

 

Julia Von Lucadou, Sauter des gratte-ciels, traduit de l’allemand par Stéphanie Lux, Actes Sud, mai 2021, 288 p., 22 €

 Premier roman

Dans un futur proche, dans une mégalopole hyper connectée, règne le culte de la transparence : tout est filmé, liké, évalué, commenté en direct, tandis que la société prône l’optimisation du corps et de l’esprit. Des jeunes gens qui sautent en Flysuit du haut des gratte-ciel, se rattrapant à la dernière seconde avant de toucher le sol, sont adulés et jouissent des privilèges réservés aux plus performants (et aux plus obéissants). Riva Karnovsky est l’une d’entre eux. Or, inexplicablement, elle décide d’arrêter de sauter. Une jeune psychologue est alors chargée de la remettre dans le « droit chemin »… Avec ce premier roman, récompensé du prix suisse de littérature, Julia von Lucadou nous tend le miroir d’une société atrocement parfaite et horriblement bienveillante.

« Ce roman en apparence inquiétant montre aussi comment, par des biais inattendus, un esprit de résistance est à l’œuvre, qui rend cette histoire épique et magnifique. »
Livres Hebdo, 2 mai 2021

 

LIVRES DE POCHE

 

Olga Tokarczuk, Les Pérégrins, traduit du polonais par Grazyna Erhard,Le Livre de Poche, mai 2021, 544 p., 8.70 €

En une multitude de textes courts, Les Pérégrins compose un panorama foisonnant du nomadisme moderne. Routards, mères de famille en rupture de ban, conducteur de ferry qui met enfin le cap sur le grand large… tous et toutes sont aux prises avec leur liberté, mais aussi avec la fuite du temps.
Olga Tokarczuk a rassemblé des histoires, des cartes, des images et des situations qui nous questionnent ou nous éclairent sur un monde à la fois connu et absolument mystérieux, mouvant réseau de flux et de correspondances, réel chaotique pourtant non dénué de fils conducteurs. Et elle nous rappelle ce qui motive avant tout nos pérégrinations : aller à la rencontre d’autres pérégrins.

Article sur Le Figaro littéraire, 18 novembre 2010


Cesare Pavese,
La Plage, traduit de l’italien par Michel Arnaudet révisé par Muriel Gallot, Gallimard, avril 2021, 128 p., 2 €

Un été sur la Riviera italienne. Un professeur d’une trentaine d’années rejoint pour les vacances Doro, un ami de jeunesse marié depuis peu. Durant ce séjour ligure où le soleil contraint aux temps longs de l’ennui et de la contemplation, il ne cessera — depuis sa solitude — d’observer le couple se mouvoir.

Un bref roman de Cesare Pavese, maître de la littérature italienne et plume inconsolée du Métier de vivre et de Travailler fatigue.

Article de la revue Esprit, avril 1965 !

 

Nina Allan, La Fracture, traduit de l’anglais par Bernard Sigaud, 10/18, mars 2021, 456 p., 8.80 €

Le jour où Julie réapparaît, 20 ans après sa mystérieuse disparition, l’histoire qu’elle raconte semble impossible… 

Le 16 juillet 1994 dans la région de Manchester, Julie Rouane, dix-sept ans, prétexte un rendez-vous avec une copine pour s’absenter du domicile familial… et disparaît pendant plus de vingt ans.

Longtemps après l’abandon de l’enquête par la police, son père, Raymond Rouane, continue à explorer seul toutes les pistes possibles. En vain. La mère de Julie et sa sœur cadette, Selena, tentent elles aussi de faire front, chacune à sa manière.
Puis un soir, 20 ans après, une femme qui prétend être Julie contacte Selena.

Alors qu’on avait soupçonné que l’adolescente ait pu être enlevée et assassinée – un homme de la région ayant avoué plusieurs meurtres de femmes -, l’histoire que Julie raconte à sa sœur est tout à fait différente, extravagante, impossible…

Article sur le blog Les imposteurs, 24 septembre 2019 

 

PHILOSOPHIE

 

Christian Jambet, Le Philosophe et son guide, Mullâ Sadrâ et la religion philosophique, Gallimard, mai 2021, 400 p., 22 €

Mullâ Sadrâ vécut à la charnière des XVIeet XVIIesiècles de notre ère. De celui qui fut surnommé « le tout premier des métaphysiciens », l’ayatollah Khomeiny n’eut de cesse de se réclamer lors de la révolution de 1979 en Iran.

Mullâ Sadrâ, en effet, pose la question de la guidance de la communauté des croyants : revient-elle au plus pieux qui suit l’enseignement du Coran à la lettre ou au philosophe qui, à la suite des Grecs et de Platon en particulier, vise au perfectionnement de l’âme humaine jusqu’à atteindre le bonheur par la connaissance de la vérité ? L’ascension de l’âme savante vers l’lntellect débouche sur la vraie révélation coranique. Mais la religion philosophique se déploie cachée, ésotérique, face à l’exotérisme d’une orthodoxie bornée par la lettre de la Révélation. C’est le drame de l’islam contemporain.

Quel qu’il soit, le guide ne peut ignorer les enseignements relatifs à la connaissance de Dieu, au message prophétique, aux êtres suprasensibles, à la connaissance de l’âme humaine. Sinon, sans le relai herméneutique que la philosophie offre aux enseignements des imâms, les théologiens et les juristes se substituent, par leur rationalité propre, à celui qu’ils entendent représenter. Le pouvoir spirituel se dégrade inéluctablement en une autorité limitée, juridique, policière. C’est le drame de l’Iran depuis 1979.

Entretien avec Christian Jambet sur En attendant Nadeau

 

ESSAI

 

Jean-Christophe Bailly (dir.),Voir le temps venir, séminaire du musée du Jeu de Paume (novembre-décembre 2019), Bayard, avril 2021, 21.90 € 

Le temps passe et nous emporte, mais il est aussi le sel de toute vie. Il y a la « flèche du temps » et la linéarité du temps comptable, mais il y a aussi quantité de chemins par lesquels le temps, au lieu de nous échapper, nous revient, etcomme un bien malléable et une manne dont on peut disposer. Prendre en considération le temps, le « voir venir » et l’accueillir au lieu de l’enfourcher, ce n’est pas seulement s’opposer à sa consommation effrénée, c’est surtout inventer d’autres manières de le vivre, et de vivre tout court.

Le projet à l’origine de ce livre n’est pas de donner des recettes d’emploi du temps mais de réfléchir à la possibilité d’un ralentissement généralisé, en phase avec les exigences de notre époque. Cet ouvrage collectif très original, cohérent et réjouissant, regroupe onze intellectuels connus, sous la direction de Jean-Christophe Bailly.

Le texte et le programme du séminaire sur le site du musée du Jeu de Paume, novembre 2019

 

REVUE

 

Collectif, Ballast n°11mai 2021, 15 €

Sommaire :

Adèle, mettre au monde et lutter (Asya Meline) -Quand on ubérise les livreurs (Rosa Moussaoui et Loez) -Rencontre avec Álvaro García Linera -Une laïcité française ? (avec Jean-Paul Scot et Seloua Luste Boulbina) -Le communalisme comme stratégie révolutionnaire (Debbie Bookchin et Sixtine Van Outryve) -Quand le poids est politique (Élise Sánchez) -Regards (Aurélie William Levaux) -La corrida d’Islero (Éric Baratay) -Des jardins urbains et du béton (Camille Marie et Roméo Bondon) -Dépasser l’idéologie propriétaire (Pierre Crétois) -André Léo, toutes avec tous (Élie Marek) -Des portes comme des frontières (Z.S.) -Combien de fois (Claro) -ode à ahmed (Asmaa Jama) -La brèche (Zéphir)

https://www.facebook.com/RevueBallast/

 

BANDES DESSINÉES


Yslaire, 
Mademoiselle Baudelaire, Dupuis, avril 2021, 160 p., 26 €

Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et le poète plane sur l’œuvre d’Yslaire depuis les origines. C’est pourtant Jeanne Duval, celle que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie pour revisiter dans ce chef-d’œuvre la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal.

De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien, ni son vrai nom, ni sa date de naissance, ni sa date de décès. Aucune lettre signée de sa main ne nous est parvenue. Restent quelques témoignages, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, une photo de Nadar non authentifiée, sans oublier les poèmes qu’elle lui a inspirés. Jeanne, « c’est l’invisible de toute une époque » qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Elle qui était stigmatisée comme mulâtresse, créole et surnommée « Vénus noire » en référence à la « Vénus hottentote », aimante tous les préjugés d’un siècle misogyne et raciste.

« …Pourtant, ce qui confère sa singularité à cet album est ailleurs : dans la démesure et les fulgurances graphiques de certaines scènes où, bousculant l’ordonnancement des cases et la retenue chère aux biographes, Yslaire se lâche. C’est cru, noir, violent, cauchemardesque, souvent d’un érotisme sans ambiguïté, et surtout incroyablement juste. L’un des plus beaux hommages graphiques rendu à l’univers de monsieur Baudelaire et à mademoiselle, enfin réunis. »
Télérama, 18 mai 2021

 

JEUNESSE


Jeanne Ashbé,
Les images de Lou et Mouf, Le soir, L’École des Loisirs, mai 2021, 6.80 €

Jusqu’à 3 ans

Comment se préparent-t-ils pour aller dormir ? Les petites aventures de Lou et son doudou, à se raconter au jour le jour. Quatre imagiers sans texte mettant en scène les deux héros des tout-petits et leurs premières expériences de vie pour échanger joyeusement et librement avec bébé !

Vidéo de l’illustratrice Jeanne Ashbé

 

Gérard Goldman, Geneviève Casterman, Les Glaces aux coquelicots, L’École des Loisirs, mai 2021, 12.50 €

De 3 à 6 ans

Papa, Maman et moi, on est allés prendre Bob et Dom, les parents de Papa, en voiture. On ne leur a pas dit où on allait, Papa voulait leur faire la surprise. Après des millions de kilomètres, on est arrivés sur une plage toute longue. Mais Bob et Dom n’ont pas reconnu la plage de leurs vacances. Au retour, la voiture était pleine de trésors.

« Les souvenirs d’enfance sont des paradis perdus qui se dérobent, mais des paradis quand même ».
Livres hebdo, 29 avril 2021

 

PRATIQUE


Valérie Cupillard,
Cuisiner aux hydrolats, bienfaits et recettes, La Plage, juin 2021, 80 p., 9.95 €

Les hydrolats sont un moyen simple et ludique d’aromatiser notre plat tout en profitant de leurs bienfaits.
Leur simplicité d’utilisation vous séduira dans la cuisine de tous les jours. Pensez à l’eau de fleur d’oranger ou de rose mais aussi au basilic grand vert, au cassis, au tilleul…

Découvrez dans cet ouvrage l’univers aromatique de 23 hydrolats à travers 35 recettesaux saveurs fraîches comme la menthe, envoûtantes comme la cannelle, piquantes comme la carotte sauvage ou douces comme la mélisse !

 

 

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