L'envers des jardins
Du 6 août au 19 septembre 2021
Le projet de La Maison du Banquet et des générations est de « faire lieu » autrement. Faire lieu, c’est ici réinventer la notion de résidence. Chaque année, nous accueillons pendant un mois une résidence partagée.
Trois écrivains, chercheurs ou artistes de disciplines diverses, choisis sur projet autour d’un thème par un jury, vont dans un même lieu et une même période, travailler sur leurs propositions. De ces confrontations naissent toujours de belles surprises.
À l’automne 2020, entre deux confinements, les projets d’Estelle Chauvard, designer, d’Adrien Genoudet, écrivain, cinéaste et historien, et de Louise Piélat, paysagiste, les ont menés à Lagrasse, pour un mois d’enquêtes et de travail sur des jardins imaginaires ou historiques, sur les projets d’Albert Kahn ou les rangées d’aubergines des jardiniers du village.
Écriture, dessins, aquarelles, films, le résultat de ces recherches est exposé dans l’abbaye pendant tout le Banquet et jusqu’au 19 septembre.
Les trois résidents sont venus parler de cette expérience pendant le Banquet du livre d’été lundi 9 août.
Estelle Chauvard, designer fiction. Danielle Dixe à Lagrasse
« Ce projet est un moyen de raconter, à travers la fiction, des problématiques contemporaines soulevées par le jardin.
Les trois œuvres [à Lagrasse] de la paysagiste imaginaire Danielle Dixe explorent trois façons différentes d’envisager le jardin : comme métaphore du cheminement initiatique, comme harmonie entre l’homme et la nature et, enfin, comme objet social et politique.
Envisager les problématiques écologiques sous le seul angle du mode de vie individuel me semble être une impasse. Or, le jardin pose dans ce cadre un paradoxe intéressant : espace clos, fermé sur soi, traditionnellement associé à la propriété privée et à l’intimité, il est récemment devenu, avec des initiatives comme les Zones à Défendre (ZAD), le guerrilla gardening ou plus simplement les potagers partagés, un instrument et un enjeu de lutte et de gestion collective».
Adrien Genoudet, écrivain, cinéaste et historien. Jardins, quatre voix.
« Tout part des jardins d’Albert Kahn. Depuis quelques années, comme un lieu étendu, sans bords et sans limites, les jardins de ce banquier- philanthrope resté presque inconnu ne cessent d’ouvrir des désirs.
Il paraît que, lorsque l’on se promène dans les jardins et les forêts, notre corps aspire l’essence des plantes et des arbres, qu’il se fait habitacle et que, au gré de la marche, nous finissons par devenir un terrain fertile où des corps étrangers, bienveillants, se mettent à éclore.
Les rencontres avec des personnes qui entretiennent un lien singulier avec les plantes et les jardins à Lagrasse ont fait l’objet d’un projet filmique documentaire accompagné de textes littéraires (déambulations, comptes rendus de rencontres, journal intime).
Louise Piélat, paysagiste. Débordements
« C’est une plongée dans les jardins de Lagrasse que je raconte par le dessin à la façon d’un carnet de voyage. J’ai exploré, arpenté le territoire par la marche et c’est la rivière de l’Orbieu qui m’a guidée, ainsi que des rencontres avec les jardinier.e.s.
Mon intention était de m’ancrer dans l’épaisseur d’une réalité par une approche de terrain. En gardant à l’esprit que ce qui peut sembler commun,voire insignifiant au premier abord, ne l’est pas.
Huit jardins ont été choisis et réunis dans ce carnet. « Jardin » est pris au sens large. Des jardins vivriers à ceux des moines,en passant par un jardin d’aromatiques, ainsi que la source du Béal, ce canal d’irrigation qui les alimente tous en eau, et le pierrier sur les pentes calcaires de la garrigue, où les cailloux forment un gigantesque piège à graines.
Le jardin fait écho au paysage et inversement. Une résonance s’établit. Entre les jardins, malgré des limites parfois franches, des continuités se créent et le plus souvent dans la nuance, dans une porosité, un débordement. »
L’exposition a bénéficié du soutien du Département de l’Aude.